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La langue maternelle dans l’instruction des enfants

Comme nous avons pu le constater dans l’article “Le bilinguisme précoce dans l’instruction des enfants”, de nombreuses études prouvent que le bilinguisme apporte de nombreuses vertus aux enfants. Or, il persiste encore des fausses croyances et des préjugés à ce sujet.

Certains pédagogues pensent encore que les langues maternelles, plus particulièrement celles qui sont non européennes, sont une cause de trouble de langage et de retards dans les apprentissages des enfants concernés. Par conséquent, les enfants sont souvent amenés à renoncer à parler leur langue maternelle pour la réussite linguistique scolaire. Les hommes politiques et les médias entretiennent cette fausse croyance qui a des conséquences graves sur les enfants et les parents concernés. Qu’il s’agisse d’une langue étrangère, d’une langue régionale ou d’un dialecte, la langue maternelle devrait être mieux considérée dans l’instruction des enfants pour leur bien-être.

Voyons pourquoi:

 

 

Définition de la langue maternelle

La langue maternelle est considérée être la langue du cœur, celle qui marque l’identité profonde. C’est la langue dans laquelle on a évolué lors de notre enfance, sans oublier que les bébés sont déjà exposés aux langages dans le ventre de leur mère. Les bébés ont de surcroît des façons de pleurer caractéristiques à leur langue maternelle. Par exemple, les bébés français ont un cri dont le pic d’intensité est situé à la fin tandis que les bébés allemands pleurent de l’aigu au grave. La langue maternelle est celle qui est la plus parlée dans le foyer, et dont lexpression se fait de manière la plus naturelle. Parfois, la langue qu’on a appris dès tout petit subit un déclin et n’est plus la langue dominante :

Brigitte A. Eisenkolb, docteur en linguistique et psychologie, et auteur d’une thèse sur le déclin naturel de la langue maternelle explique :

« Tout apprentissage débute par un transfert de connaissances de la langue maternelle à une langue étrangère. Il est alors possible que la nouvelle langue devienne dominante. »

J’ai par exemple grandi avec mes parents issus de l’immigration avec leur langue mais j’ai du moins parler cette langue avec leur encouragement et à ceux des enseignants dès la maternelle, pour mon intégration linguistique scolaire. Par conséquent, mon niveau en français a surpassé mon niveau dans ma langue maternelle. Je n’ai pas pas l’aisance dans ma langue maternelle comme je l’ai en Français, langue dans laquelle j’ai appris beaucoup plus de termes techniques… Dans le cas où l’enfant est éduqué par des parents parlant des langues différentes, il apprend simultanément plusieurs langues. Quelle que soit la personne parlant cette langue, elle peut être considérée comme une langue « maternelle ». On parlera d’acquisition simultanée de deux langues, appelée bilinguisme précoce.

 

La langue maternelle construit l’identité de l’enfant

La langue maternelle fait partie de notre patrimoine culturel car c’est la langue familière dans laquelle on a évolué depuis tout petit. Nos premières découvertes, nos premiers mots ont été appris dans cette langue transmise par nos parents. La langue maternelle est donc un pilier à entretenir chez l’enfant pour faciliter les apprentissages dans une autre langue. C’est le principe de Donovan et Brandford qui consiste en la réactivation des expériences préalables pour construire sur des bases solides. La langue maternelle est indispensable pour se forger un bilinguisme équilibré et joue un rôle important dans la construction psychique et identitaire de l’enfant. Perdre sa langue maternelle c’est perdre son identité profonde. Ce phénomène de perte est appelé attrition linguistique. Il existe plusieurs façons de perdre cette langue :

  • Les parents ne parlent plus ou peu la langue maternelle par crainte que leurs enfants fassent la confusion avec la langue majoritaire et qu’ils ne s’intègrent pas à l’école (échec scolaire)
  • Les craintes des enfants et des parents face à la perception que les gens ont d’une langue qui est stigmatisée
  • La langue de l’école devient plus naturelle, l’enfant remarque qu’il est beaucoup moins à l’aise dans sa langue maternelle et n’ose plus la parler car il a honte de faire des erreurs en la parlant

 

Les langues maternelles dans les écoles

La langue maternelle est très fragile et peut se perdre très facilement jusqu’à l’âge de 12 ans, surtout lorsque l’école creuse un fossé énorme entre identité de l’enfant et l’école. L’enfant est aliéné et doit mettre de côté son identité pour s’intégrer.

« Quand l’école rejette la langue de l’enfant, elle rejette l’enfant »

Jim Cummins

La langue maternelle est malheureusement encore souvent perçue comme un moteur d’échec scolaire, plus particulièrement lorsqu’il s’agit de langues non européennes qui sont sujets à des préjugés et dévalorisations. On a notamment observé un phénomène d’acharnement dans les médias en été 2018 concernant l’enseignement de la langue arabe à l’école pour provoquer le choc des cultures.

L’idée de « résoudre le problème » des différences linguistiques et culturelles est une idée dominante dans les pays européens. Cette conception peut provoquer des conséquences graves entre les élèves comme les incidents raciales.

Une autre conséquence grave de la volonté de vouloir décourager les enfants à parler leur langue maternelle est la rupture dans les relations parents-enfants.

La hiérarchisation et la stigmatisation des langues peuvent susciter un sentiment de honte aux parents qui peuvent éviter de parler leur langue maternelle avec leurs enfants. Les enfants ressentent bien évidemment cette gène et répondent souvent à leurs parents en Français.

Dans ce témoignage par exemple, nous apprenons le regret de cette femme d’avoir rejeté sa propre langue jusqu’à ne plus pouvoir la comprendre. Elle avait honte de sa langue maternelle (l’arabe) à cause de la perception qu’en avaient les gens.

Elle regrette également profondément de ne pas avoir été encouragée à apprendre et affirmer sa langue maternelle, faisant partie de son identité profonde et donc ainsi que de son bien-être.

De mon expérience, je me rappelle d’une situation qui m’avait marqué au collège en cours d’anglais : parmi les élèves de ma classe, il y avait un élève d’origine États-unienne et une autre d’origine de l’Amérique du Sud. Les 2 élèves n’avaient pas le même traitement par la professeure quand ils réalisaient des erreurs : l’élève d’origine états-unienne était encouragé à s’améliorer tandis que l’élève d’origine d’Amérique du Sud, était critiquée pour son “Spanglish”, langue hybride provenant d’un mélange d’anglais et espagnol. Ce cas aurait pourtant pu être un sujet de discussions et d’apprentissage intéressants en classe.

L’école présente donc une contradiction (sans généraliser) : d’un côté, elle promeut l’apprentissage des langues vivantes mais de l’autre côté, elle écarte les langues maternelles (surtout celles qui ne sont pas jugées prestigieuses).

 

Les avantages de l’IEF (Instruction En Famille) dans la préservation de la langue maternelle

  • Les enfants en IEF passent un temps considérable avec leurs parents qui sont les transmetteurs de la langue maternelle. Ils passent donc plus de temps en contact avec leur langue maternelle et apprennent plus sereinement.
  • L’IEF permet également aux parents de se perfectionner ou de redécouvrir leur langue maternelle lorsqu’ils enseignent à leurs enfants. Pas de panique, des recherches prouvent que la langue maternelle peut s’oublier très facilement avant l’âge de 12 ans mais qu’elle laisse des traces dans le cerveau. Il suffit de s’y replonger pour réactiver les connaissances.
  • L’IEF devrait être l’occasion de multiplier les rencontres et éventuellement en apprendre sur les éventuelles différentes langues et cultures. On peut participer à des ateliers et par exemple mettre en évidence les emprunts linguistiques et culturels.
  • Les enfants en IEF ne connaissent pas ou peu la hiérarchisation et les catégorisations qui sont une norme dans les écoles. Ils sont plus ouverts aux autres et ont moins de préjugés.

 

Pistes et conseils pour préserver la langue maternelle de votre enfant :

  • Apprendre à l’enfant la valeur de la langue maternelle. Expliquer que c’est un don précieux à préserver pour son épanouissement.
  • Ne pas avoir honte de parler la langue maternelle en présence de personnes ne la comprenant pas : traduisez au besoin , expliquez…
  • Lire beaucoup d’histoires dans la langue maternelle. Les livres aident énormément à enrichir le vocabulaire, même pour vous parents !
  • Si vous connaissez des personnes ayant une culture linguistique et culturelle différente, n’hésitez pas à échanger ou à faire un petit atelier pour votre enfant avec pourquoi pas la présence de cette personne pour échanger vos différentes cultures.

Votre enfant apprendra à s’affirmer sereinement en parlant de sa culture.

 

La journée internationale des langues étrangères

Il existe plus de 6000 langues dans le monde, dont plus de 2000 en Afrique. La moitié de ces langues est menacée d’extinction. L’Unesco fête la journée internationale des langues étrangères le 24 février pour préserver les diversités culturelles et promouvoir l’éducation dans la langue maternelle. Dans le cadre du développement durable, cette organisation mondiale veut faire face à la disparition drastique des langues étrangères dans le monde.

 

 

Figen, fondatrice du blog mam-anne, pour Pass éducation