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Bilinguisme précoce et IEF (Instruction En Famille)

Aujourd’hui, 2/3 de la population mondiale est bilingue ! Près d’un quart des mariages étaient mixtes en France en 2017 sans compter les autres types de contrats d’unions. Les familles sont sujettes à de nombreux questionnements et doutes quant au bilinguisme de leur enfant (bilinguisme précoce). Étant bilingue français-turc, j’ai été moi même confrontée à ces questionnements avant la naissance de mon premier enfant : en quelle langue parler avec mon enfant ? Communiquer avec une seule langue ou les deux langues ? Est-ce qu’elle va mélanger les 2 langues et ne pas pouvoir s’exprimer correctement ? Je vais tenter de lever les doutes sur ce sujet qui devrait être au centre des préoccupations dans l’instruction de nos enfants en me basant sur les travaux du linguiste François Grosjean, des psycholinguistes et mon expérience personnelle. Commençons tout d’abord par définir ce qu’est le bilinguisme, concept souvent flou pour la plupart d’entre nous. Qui peut se définir bilingue ? Faut il parler parfaitement chaque langue ?

Définition du bilinguisme

Le bilinguisme est la capacité d’un individu d’alterner entre deux langues selon ses besoins pour s’exprimer couramment dans la vie quotidienne. On peut donc tout à fait être bilingue sans connaître parfaitement les 2 langues car il y a toujours une langue qui dominera l’autre quant au niveau. On peut distinguer 2 types de bilinguisme :

  • Bilinguisme simultané : c’est l’apprentissage simultané de deux langues à compter de la naissance ou avant trois ans.
  • Bilinguisme séquentiel : apprentissage d’une langue seconde après l’âge de trois ans.

Personnellement, j’ai un bilinguisme séquentiel, à savoir le turc en langue maternelle et le français en seconde langue, que j’ai appris à l’école. Je n’ai pas le même niveau dans les 2 langues sachant que j’ai appris en français des termes techniques que je n’ai pas appris en turc durant mon parcours scolaire (ce qui est rattrapable).

 

Avantages du bilinguisme

Longtemps considéré comme nuisible au développement cognitif et langagier de l’enfant (jusqu’à la fin des années 90), le bilinguisme connaît moins de détracteurs depuis les études canadiennes renversant les précédentes réalisées par Peal et Lambert. Dans certaines sociétés monolingues comme la notre, le bilinguisme est tout de même encore considéré comme notamment la cause de retard scolaire et cognitif, de marginalisation et de semilinguisme, c’est à dire connaissance partielle et imparfaite de la langue officielle d’État. Je parlerai de cet aspect plus en profondeur dans mon prochain article sur l’importance de la langue maternelle. Selon les psycholinguistes, la deuxième langue n’entrave pas la première langue appelée maternelle : les deux langues se complètent l’une et l’autre. Il n’est plus à prouver aujourd’hui les nombreux bienfaits du bilinguisme/ multiliguisme, en voici quelques uns :

  • une ouverture d’esprit accrue : connaître une autre langue c’est connaître une autre culture et un autre concept. Nous pouvons ici citer le pédagogue Rudolf Steiner : « Chaque langue dit le monde à sa façon ». La capacité d’empathie en est également accrue car on considère que chaque langue permet de voir le monde avec une vision différente.
  • une gymnastique cérébrale étonnante : la personne bilingue doit s’adapter à son interlocuteur pour communiquer dans une langue et désactiver l’autre . Elle a une étonnante capacité de passer d’un système de langage à un autre avec tout ce que ça implique (syntaxe différente, adaptation culturelle etc). Cette gymnastique cérébrale permet également de faciliter l’apprentissage d’une autre langue et retarderait même le développement de la maladie d’Alzheimer.
  • une capacité de concentration plus importante : le lobe frontal ; zone cérébrale qui contrôle la prise de décision, la créativité et l’organisation du langage ; travaille énormément chez les personnes bilingues. Lorsque le bilingue parle, les deux langues sont actives et doit faire un effort pour supprimer l’une des deux langues pour communiquer dans la langue dont il a besoin en fonction de son interlocuteur.

La mobilisation du lobe frontal importante donne au bilingue une capacité d’adaptation étonnante. Ainsi, le bilingue a plus de facilités pour gérer plusieurs tâches à la fois car cette zone du cerveau fortement mobilisé lui procure un meilleur contrôle des informations.

 

Comment instruire le bilinguisme à son enfant

Déjà dans le ventre de la mère, le bébé est exposé aux sonorités linguistiques de son environnement. Il est primordial de communiquer avec l’enfant dès tout petit et ne pas croire qu’il ne comprend rien . Il est également important d’éviter un usage fréquent de vocabulaire enfantin. Jusqu’à 7 ans, l’enfant apprend sans difficultés et stocke toutes les informations grâce à la flexibilité des structures de son cerveau. C’est jusqu’à cet âge là qu’on parle de bilinguisme précoce. Passé cet âge, l’enfant atteint un seuil de maturation et n’apprend plus de façon intuitive. Pour mon premier enfant, je me suis tenue aux conseils de ma mère qui consistaient à parler en turc exclusivement avec ma fille et mon mari exclusivement en français. On a suivi ses conseils sans chercher plus loin mais avec des interrogations tout de même. Plus tard j’ai appris que les psycholinguistes préconisaient cette méthode 1 parent-1 langueLe résultat a été assez spectaculaire : notre enfant faisait bien la distinction entre les 2 langues : elle savait que mon mari et moi parlions chacun une langue différente et qu’il fallait qu’elle s’adapte à nous pour s’exprimer : c’est une belle illustration de la flexibilité des structures du cerveau chez les enfants de 3 mois jusqu’à 7 ans, une tranche d’âge où ils apprennent sans difficulté et ont une énorme capacité pour emmagasiner les informations. Selon Barbara Baueur, auteure du livre « le défi des enfants bilingues »,  le rôle des parents est primordial dans l’apprentissage des langues car l’enfant utilise le « filtre affectif » obligeant l’enfant à devoir apprendre et parler les langues des personnes qui lui sont les plus chères pour être compris par ces dernières. L’IEF (Instruction En Famille) présente donc un gros avantage surtout chez les niveaux maternelles : votre enfant apprendra plus facilement les langues parlées à la maison grâce au filtre affectif dont parle Barbara Bauer grâce à votre présence et vos échanges très fréquents.

Attention : le bilinguisme chez l’enfant peut partir aussi vite qu’il a été acquis : c’est le cas lorsqu’il n’est plus au contact d’une des langues ou lorsqu’il découvre qu’il n’a plus besoin d’une des langues. Il faut veiller à entretenir le bilinguisme en lisant fréquemment des livres des langues concernées, en chantant, en réalisant des activités avec l’approche 1 activité-1 langue. Ma fille a l’air de commencer à réaliser que le français seul lui suffit pour être compris par ses 2 parents. Par exemple si elle me parle en français, il m’arrive de ruser en faisant semblant de ne pas comprendre et je lui rappelle qu’elle doit me parler en turc. 

Ne vous inquiétez pas si :

  • votre enfant a une langue dominante : il y aura toujours une langue qui sera mieux maîtrisée que l’autre. Vous pouvez travailler la langue qui est moins bien parlée en réalisant des ateliers avec une approche 1 activité- 1 langue, en lisant ou chantant plus souvent dans cette langue.

C ‘est gratuit alors que ça vous aurait coûté une fortune dans des écoles privées qui proposent des ateliers en langues (encore faut il en trouver).

  • votre enfant mélange les langues : Grosjean appelle ça le codeswitching, c’est tout à fait normal : l’enfant veut clarifier ce qu’il veut dire ou attirer l’attention. Ce procédé est d’ailleurs très utilisé entre bilingues adultes.
  • votre enfant fait des erreurs de grammaire, de syntaxe : l’enfant apprend constamment et fera des erreurs jusqu’à ce qu’il intègre bien les règles de la langue. Reformulez sa phrase et encouragez-le.

 

 

Figen, fondatrice du blog mam-anne, pour Pass éducation