L’apprentissage en roue libre – Témoignage d’une année d’itinérance à vélo sur les routes de France

Alors qu’il soufflait tout juste sa première bougie, mon mari et moi avons, enfourché nos vélos et sommes partis avec notre fils sur des chemins de traverse qui nous permettraient de rencontrer des initiatives positives locales.

Ce voyage, pendant longtemps nous y avons pensé ! Et avant la naissance de notre fils, nous n’envisagions pas qu’il se réalise avant ses six ans révolus. La vie en aura finalement décidé autrement. Pour des raisons que nous ne développerons pas dans cet article, notre enfant a passé sa première semaine en service de néonatologie. Ce fut pour nous comme si le monde s’écroulait sous nos pieds, jusqu’à ce qu’il se rétablisse et retrouve une vie de nourrisson tout à fait normale (ou presque). Grâce à cet événement, nous avons pris pleinement conscience que la vie tenait à très peu de choses, qu’elle était si fragile et si précieuse. Les semaines ont passé et l’état de notre fils s’est rapidement amélioré. Nos vies ont repris à peu près normalement, comme la plupart des jeunes parents.

Au fur et à mesure qu’il grandissait, une idée germait parallèlement dans nos cœurs et nos têtes. Et si l’idée de partir avec un jeune enfant en voyage n’était pas si folle finalement ? Hôtes sur différents réseaux d’hébergements tels que Couchsurfing, Warmshowers, La Route des SEL et bien d’autres, nous avions régulièrement la chance d’accueillir des voyageurs du monde entier à la maison. Par ce biais, nous avions reçu de nombreuses familles qui voyageaient avec des enfants en bas-âge et des plus grands. Certaines d’entre elles pratiquaient même parfois l’IEF (Instruction En Famille).

Riche de ces rencontres, notre projet a vu le jour et nous avons pris notre envol le jour de son premier anniversaire. À travers cet article, je ne souhaite pas uniquement vous raconter notre aventure, mais aussi donner quelques conseils aux familles qui pratiquent l’école à la maison et qui souhaiterait la pratiquer en voyage avec leurs enfants.

N.B : Au cours de ce petit périple qui a duré près d’un an et demi, notre fils avait moins de trois ans. À l’heure où j’écris ces mots, il n’est donc pas légalement soumis à l’obligation d’instruction. Il le sera peut-être dans quelques mois, selon ce que nous réserve l’avenir. Mais ce n’est pas le sujet de cet article. Aussi je souhaite préciser qu’il s’agit surtout de conseils pratiques et non administratifs ou légaux.

Rencontrer ou échanger avec d’autres familles de voyageurs

Cela peut sembler banal, mais avoir le retour d’expérience de ceux qui nous ont précédés, cela permet de ne pas foncer tête baissée dans une aventure en n’en voyant que le côté positif. Cela permet également de se faire des amis, d’avoir de bons conseils en termes de rythme de voyage, de matériel à emporter, de savoir quelle place laisser aux affaires des enfants. Chacun fonctionne différemment, mais ces expériences sont bien utiles pour éviter de faire de grosses erreurs. De plus, quand les enfants voyageurs ont grandi et peuvent raconter eux-mêmes leurs aventures, c’est très enrichissant de savoir comment ils l’ont vécu et ce qu’ils en ont retenu.

 

Anticiper le besoin en ressources pédagogiques et sa capacité de transport

Selon que l’on voyage à vélo, en train, en avion, à pied, en bateau, en roulotte ou camping-car, la place allouée au matériel nécessaire à la vie quotidienne et notamment aux ressources pédagogiques de l’enfant est variable. Selon la limite de stockage disponible, les choix pédagogiques sont donc différents. Nous sommes, pour notre part, partis à vélo avec des remorques et des porte-bagages. Nous avons fait le choix de consacrer une pleine remorque contenant tout ce qui appartenait à notre fils. Cela incluait les jouets, peluches, habits mais surtout les livres, instruments de musiques, blocs de constructions, jeux éducatifs. Bref, une véritable mini-chambre ambulante. C’était un choix personnel qui nous a alourdi et que beaucoup de familles en voyage ne font pas, préférant voyager léger. Il est certain qu’à travers le voyage, lorsque l’on est hébergé chez l’habitant et surtout en famille, l’enfant trouvera toujours de quoi s’occuper ou des amis pour jouer. Néanmoins, dans notre cas, il était important de conserver ce petit cocon sécurisant en plus avec ses jouets, ses livres, ses rituels et ses habitudes. Ainsi, lorsque nous faisions une longue pause, il nous suffisait de déballer le contenu de sa remorque pour qu’il soit partout chez lui, même au beau milieu de nulle part.

 

Vivre de manière simple

Nous n’avions pas un budget illimité et la simplicité volontaire faisait déjà partie de notre vie avant de partir en voyage. L’itinérance à vélo nous apprend rapidement la leçon que le moindre gramme compte. Surtout lorsque l’on doit gravir des pentes à quinze pour cent ! Si, malgré notre mode de vie assez simple au demeurant, nous étions partis trop chargés de peur de manquer de quelque chose en route, nous avons assez vite réduit notre équipement à l’essentiel (sauf pour notre fils, comme je l’ai précisé plus haut). Je ne dresserais pas de liste exhaustive et les idées fourmillent sur les différents sites de voyage. Voyager léger, c’est une façon de se rendre compte de ce qui nous est vraiment essentiel et nous allège de nombreuses distractions ou dépenses non nécessaires. Cela laisse la part belle à l’instant présent, plus de spontanéité et de disponibilité. On ne peut nier que cela implique aussi une certaine « vulnérabilité » face aux événements inattendus mais cela invite justement à rechercher le contact et le lien avec les autres. C’est aussi une bonne façon d’apprendre à se débrouiller par ses propres moyens ou de faire avec les moyens du bord. Et quel meilleur exemple pour nos enfants que d’apprendre ensemble à réparer nos erreurs ?

Qui va doucement va loin… et en profite plus

Cela peut paraitre très peu, mais nous avions décidé d’un rythme de croisière de 10 à 20 kilomètres par jour. Cela nous a permis d’être plus à l’écoute de notre garçon et de respecter ses différents besoins. Au moindre animal qui sortait de l’ordinaire, jolie fleur, patrimoine historique, paysage naturel incroyable, nous prenions le temps de nous arrêter. Apprendre à prendre le temps est l’un des principaux apprentissages que nous avons tous retiré de cette aventure. Et c’était bien le but de celle-ci dès le départ. Plus que de découvrir la France, ses belles régions, ses habitants et ses belles idées, nous voulions avoir le temps de voir grandir et s’épanouir notre petit bonhomme. Afin de lui permettre de rencontrer et de jouer avec d’autres enfants, nous nous arrêtions à chaque bibliothèque ou aire de jeux que nous croisions. Il nous est aussi parfois arrivé de présenter notre voyage et le projet que nous portions dans les écoles rencontrées en chemin. Enfin, comme nous étions le plus souvent accueillis par des habitants ou des familles le soir venu, les occasions de créer du lien, discuter, en apprendre plus sur la vie locale et l’histoire des territoires traversés n’ont pas manqué. Si nous n’avions fait que passer en voiture, notre voyage n’aurait pas été riche de tous ces arrêts et de toutes ces rencontres. Avec certains de nos hôtes, nous avons tissé de réels liens d’amitié et gardons désormais contact et parfois nous rendons l’hospitalité qui nous a si gentiment été offerte.

 

Prendre contact avec les groupes I.E.F. locaux si on voyage en France

Voyager c’est une formidable façon de voir ce qui se fait ailleurs et de se faire de nouveaux amis. Lorsque nous changions de département, nous postions un petit mot sur le groupe Facebook local ou les forums internet. Cela nous a permis d’une part de faire de chouettes rencontres avec des familles pratiquant l’I.E.F. et de voir à quel point la façon de gérer les apprentissages des enfants varient totalement d’une famille à l’autre. D’autre part, grand nombre de familles pratiquant l’I.E.F. sont inscrites dans une démarche de simplicité volontaire, de consomm’action, de recherche en pédagogies alternatives ou sont simplement actives dans la vie de leur territoire. Grâce à elles, nous avons eu connaissance de nombreux projets intéressants et de toutes petites initiatives dont nous n’aurions pas eu vent autrement. Ce bouche-à-oreille, au-delà de nous permettre d’être hébergés par ces réseaux, nous a parfois ouvert des portes inattendues et permis de belles rencontres à côté desquelles nous serions passés autrement. Cela n’est pas, bien sûr, spécialement propre aux réseaux de parents I.E.F., mais c’est assez marquant.

Faire de chaque rencontre, chaque lieu, chaque événement une source d’apprentissage

Comme je l’évoquais un peu plus haut, chaque rencontre amène son lot de belles surprises. En ayant l’esprit ouvert, en s’intéressant à la vie locale et en allant au devant des gens, il nous est arrivé de drôles de moments. Nous nous sommes par exemple retrouvés dans un salon du livre du voyage en plein cœur du Cantal, de façon non préméditée. Parce que nous avons simplement pris le temps d’aller discuter plus en profondeur avec certains auteurs présents, nous avons été invités à la soirée de clôture dudit salon chez les châtelains du village. Château que nous n’aurions pas pu visiter de l’intérieur autrement !

 

 

 

 

 

 

 

 

Le hasard des rencontres fait aussi que nous nous sommes retrouvés conviés à une représentation de danse orientale chez une artiste-peintre coréenne vivant au cœur des montagnes ardéchoises. Au-delà de ces hasards improbables, chaque moment, chaque arrêt, chaque rencontre est source d’apprentissage si on décide d’être un peu curieux. Une simple promenade sur une banale route de campagne peut devenir une chasse au trésor lorsqu’on demande à l’enfant d’être attentif à certains détails. Nous avons toujours essayé de nous mettre à sa place et d’imaginer comment il percevait le monde. Chaque nouvelle découverte était le temps d’un arrêt pour nommer les choses, les découvrir, les observer avec nos différents sens. Même le plus petit village regorge d’un trésor caché. Les musées, bibliothèques, galeries, associations et rencontres culturelles ne manquent pas en France.

Au tout début de notre voyage, notre fils babillait tout juste. À travers celui-ci, du haut de ses deux ans et demi, il :

 

 

 

  • connait désormais un très grand nombre d’animaux et leurs cris (prendre le temps de regarder les vaches, les oiseaux, décrire leur habitat, leur alimentation…) ;
  • a une vision réaliste et physique de la production d’énergie par le biais des éoliennes, barrages (que nous avons visités et qui sont souvent gratuits et très pédagogiques) ;
  • connait les couleurs et commence à les nommer en anglais ;
  • sait reconnaitre des arbustes et arbres fruitiers tels que les pommiers, noyers, figuiers, framboisiers, actinidias, vignes ;
  • sait identifier nombre de petits animaux du jardin et de nos campagnes ;
  • a une idée réelle de ce que sont les fleuves et rivières, montagnes et reliefs, départements et régions de France alors que cette réalité physique nous a échappé jusqu’à ce voyage. Apprendre par cœur est bien différent de vivre, voir, ressentir, se faire des souvenirs d’un endroit ;
  • s’est baigné dans plus de cours d’eau que nous en toute une vie ;
  • a vu la France et sa myriade de paysages magiques et ne se lasse pas d’en découvrir.

Ce n’est pas une liste exhaustive de tout ce qu’il aura appris au cours du voyage, mais ce qui me vient en tête. Et comme tout enfant, il oubliera certaines choses au profit d’autres et continuera à apprendre chaque jour.

 

Ne pas se limiter à l’âge de nos enfants pour apprendre et leur faire confiance

Le voyage, c’est découvrir chaque jour de nouvelles choses et de nouvelles personnes. Cela développe fortement l’autonomie des enfants et leur capacité d’adaptation. En rencontrant de nouvelles personnes, en se faisant de nouveaux amis, ou simplement en vivant l’instant présent ils apprennent sans arrêt. Nous avons essayé d’expliquer certaines notions à notre fils qui peuvent sembler compliquées au premier abord (comme par exemple les turbines des barrages ou encore les machines agricoles) mais si on fait l’effort de donner des termes simples, la notion peut devenir rapidement très intéressante pour lui. On essaye de faire en sorte de se dire qu’on peut tout expliquer à notre fils, en termes simples, lorsque le sujet vient à apparaître. C’est là toute l’importance de la confiance que nous mettons à lui. Nous savons bien qu’il ne retiendra pas forcément l’ensemble des choses que nous lui apprenons mais les répétitions et les questions qu’il nous pose permettront d’inscrire ces choses plus durablement dans sa mémoire.

En conclusion, que l’on soit grand ou petit, enfant ou parent, nous avons tous des apprentissages à tirer du voyage. Que celui-ci ne soit que temporaire, le temps de vacances ou un mode de vie, il est toujours riche d’enseignement. C’est une expérience que nous recommandons à chacun au moins une fois dans sa vie, ne serait-ce que pour oser le temps d’une pause et voir nos enfants grandir et s’épanouir.

Si vous souhaitez en apprendre plus sur notre voyage (actuellement arrêté), vous pouvez vous rendre sur notre site.

 

 

D. Bello, fondatrice de lescookiesauxdetoursdumonde, pour Pass éducation