De la classe à la formation pro : le guide pour lancer son activité de formateur indépendant

Le monde de l’enseignement est en pleine mutation. Si la vocation de transmettre reste intacte chez la majorité des professeurs, le cadre, lui, donne parfois envie d’ailleurs. De nombreux enseignants, forts de leur expérience pédagogique, envisagent aujourd’hui une évolution de carrière vers la formation professionnelle pour adultes ou la création de leur propre structure de soutien scolaire professionnalisé.

Passer du statut de fonctionnaire ou d’enseignant contractuel à celui de formateur entrepreneur ne s’improvise pas. C’est un saut passionnant qui demande de troquer sa casquette de pédagogue contre celle de chef d’entreprise, ne serait-ce que partiellement. Quelles sont les démarches ? Comment transformer son savoir-faire scolaire en offre de formation ? Comment gérer l’administration française ?

Dans ce dossier complet, nous décortiquons les étapes pour réussir votre transition de la salle de classe vers le monde de la formation indépendante.

1. Pédagogie vs Andragogie : adapter sa posture

Avant même de parler de démarches administratives, le premier changement est méthodologique. En tant qu’enseignant, vous êtes expert en pédagogie (l’art d’éduquer les enfants). En devenant formateur, vous allez pratiquer l’andragogie (l’art de former les adultes).

L’adulte en formation ne cherche pas seulement à apprendre, il cherche à résoudre un problème immédiat dans son travail ou sa vie quotidienne. Votre approche doit donc évoluer :

  • Moins de théorie, plus de pratique : Le cours magistral fonctionne mal en entreprise. Il faut privilégier les mises en situation.
  • L’expérience comme levier : Vos stagiaires ont un vécu. Il faut s’appuyer dessus pour construire le savoir.
  • Une relation d’égal à égal : Vous n’êtes plus le « maître », mais un facilitateur de compétences.

Cependant, le fond reste le même. Les bases fondamentales que vous enseignez à l’école sont souvent celles qui font défaut aux adultes. Par exemple, de nombreux modules de formation en entreprise portent sur la remise à niveau en orthographe et en expression écrite. Pour construire ces modules, vous pouvez parfaitement adapter les ressources solides disponibles dans notre section Français, en les « habillant » avec des exemples issus du monde professionnel.

2. Quel statut juridique pour se lancer ?

Pour commencer à facturer vos prestations, vous devez exister juridiquement. Plusieurs options s’offrent à l’enseignant qui souhaite se lancer, soit à temps plein, soit en cumul d’activité (sous réserve d’autorisation de sa hiérarchie pour les fonctionnaires) :

  • La Micro-entreprise (Auto-entrepreneur) : C’est le statut le plus plébiscité pour démarrer. Les charges sociales sont proportionnelles au chiffre d’affaires, et la création se fait en quelques clics. C’est idéal pour tester son activité de formateur ou de consultant éducatif sans prendre de risques majeurs.
  • L’Entreprise Individuelle (EI) ou la Société (SASU/EURL) : Ces statuts sont à envisager si votre activité décolle, que vous dépassez les plafonds de la micro-entreprise ou que vous avez des charges importantes à déduire (location de salle, achat de matériel coûteux).

Attention, le statut juridique n’est que la première marche. Pour exercer légalement en tant qu’organisme de formation (OF) et être exonéré de TVA, une autre étape administrative est cruciale.

3. Le Graal administratif : le Numéro de Déclaration d’Activité (NDA)

C’est souvent ici que les enseignants se sentent perdus. Contrairement au soutien scolaire à domicile (souvent géré via le CESU), la formation professionnelle est un marché très régulé. Si vous souhaitez facturer des entreprises, ou si vous voulez que vos formations soient finançables, vous devez devenir un Organisme de Formation déclaré.

Cette reconnaissance passe par l’obtention d’un Numéro de Déclaration d’Activité (NDA). Ce n’est pas un simple numéro d’immatriculation comme le SIRET ; c’est une autorisation administrative qui prouve que vous respectez le formalisme de la formation (conventions, programmes, feuilles d’émargement).

Le dossier peut sembler complexe : il faut fournir le casier judiciaire, le premier contrat de formation signé (ou bon de commande), et le programme détaillé de la formation. Pour ne pas faire d’erreur dès le départ et comprendre les subtilités entre Bilan Pédagogique et Financier (BPF) et exonération de TVA, je vous conseille vivement de consulter cet article qui explique tout sur le Numéro de Déclaration d’Activité (ou NDA). C’est une lecture indispensable pour éviter les rejets administratifs qui peuvent retarder votre lancement de plusieurs mois.

4. À qui s’adresser : le rôle de la DREETS

Une fois votre dossier préparé, à qui l’envoyer ? En tant qu’enseignant, votre interlocuteur naturel est le Rectorat. Mais pour votre casquette de formateur d’adultes, vous changez de ministère ! Vous dépendez désormais du Ministère du Travail.

L’organisme en charge de contrôler la formation professionnelle et de délivrer les numéros de déclaration d’activité est la DREETS (Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités). Chaque région possède sa propre antenne. Ce sont eux qui réceptionneront votre dossier, vérifieront que votre programme de formation contient bien des objectifs pédagogiques clairs, des moyens d’évaluation et des prérequis adaptés.

C’est également cet organisme qui effectue les contrôles a posteriori. Il est donc vital d’identifier le bon service compétent dans votre zone géographique. Pour trouver les coordonnées de votre antenne locale et accéder aux formulaires officiels, rendez-vous sur dreets.gouv.fr. Notez que la plupart des démarches se font désormais de manière dématérialisée via l’application « Mon Activité Formation », mais le site de la DREETS reste la référence pour la veille réglementaire.

5. Concevoir ses offres : la « boîte à outils » du formateur

Une fois les barrières administratives levées (SIRET créé, NDA obtenu), reste le cœur du métier : le contenu. C’est là que votre expérience d’enseignant est un atout inestimable. Vous savez structurer une progression, vous savez évaluer, et vous savez adapter votre discours.

Cependant, le syndrome de la page blanche peut toucher même les meilleurs profs. Si vous vous lancez dans le soutien scolaire intensif ou la remise à niveau (mathématiques, culture générale), ne réinventez pas la roue. Appuyez-vous sur des supports existants que vous pouvez adapter.

Par exemple, si vous montez une formation sur la « Remise à niveau en calcul pour le secteur du bâtiment », les concepts de géométrie et de calcul mental sont identiques à ceux du collège. Vous pouvez piocher dans nos fiches de Mathématiques pour créer vos exercices, en changeant simplement les énoncés pour les rendre « professionnels » (remplacer des billes par des briques, par exemple).

De même, si vous visez le marché de l’accompagnement à l’Instruction En Famille (IEF), qui est en plein essor, votre rôle sera de guider les parents. Vous pourrez utiliser nos dossiers sur l’Instruction en Famille comme base de travail pour coacher les parents sur l’organisation de leur année scolaire à la maison.

6. L’étape suivante : Qualiopi

Si votre ambition est de faire financer vos formations par des fonds publics (comme le CPF – Compte Personnel de Formation, ou les OPCO), le NDA ne suffira pas. Depuis 2022, la certification Qualiopi est obligatoire.

Qualiopi est un audit qualité qui vérifie 7 critères et 32 indicateurs. Cela peut sembler effrayant, mais pour un enseignant habitué aux inspections et aux référentiels de compétences, la logique n’est pas si éloignée. Il s’agit de prouver que vous dites ce que vous faites, et que vous faites ce que vous dites : analyse des besoins, adaptation aux handicaps, évaluation de la satisfaction, veille pédagogique, etc.

Conclusion

Devenir formateur indépendant est une magnifique reconversion pour un enseignant. Cela permet de garder le plaisir de la transmission tout en gagnant en liberté d’organisation. Certes, la « montagne » administrative (NDA, DREETS, Qualiopi) peut sembler haute vue d’en bas, mais elle se gravit étape par étape.

N’oubliez pas que votre cœur de métier reste la pédagogie. C’est votre valeur ajoutée sur un marché de la formation souvent peuplé d’experts techniques qui ne savent pas toujours transmettre. Alors, préparez votre dossier, déclarez votre activité, et lancez-vous !

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