Etre un parent-enseignant

Le choix de l’instruction en famille est souvent compliqué à faire, pour des raisons socio-professionnelles, le plus souvent. Les parents se demandent s’ils auront le temps, s’ils seront à la hauteur, s’ils ne deviendront pas l’objet d’une trop forte pression sociale, ou bien, plus simplement, s’ils prépareront eux-mêmes l’instruction, ou s’ils prendront un cours par correspondance. Pourtant, faire ce choix, çà implique surtout et avant tout, un changement de relation parent-enfant : on n’est plus juste la maman (ou le papa, selon le choix adopté par chaque famille), on devient la maîtresse (ou le maître).
Faire le choix de l’instruction de famille, c’est un changement de vie radical, au quotidien, et ceci est déjà, en soi, un grand point positif. On ne s’en rend pas compte tout de suite, parce qu’on est pris dans l’effervescence du début, de la nouveauté, mais, un beau jour, vous vous en rendrez comptez, et de là s’installera un grand soulagement, pour l’adulte comme pour l’enfant.
Songez à vos journées quand l’enfant est scolarisé, c’est une course perpétuelle après le temps, stressante pour tout le monde :
Lève-toi, habilles toi, prends ton petit déjeuner, dépêches toi, etc, et ça recommence le soir, fais tes devoirs, laves toi les dents, ne te couches pas trop tard, dépêches toi…
En IEF, il n’y a pas tout çà. En IEF, vous pouvez adopter une rythme propre à votre famille, vous pouvez souffler, ne pas crier/vous énerver sur vos enfants, et les stresser tout en vous énervant davantage. Et ça, ça change beaucoup de choses. De là, peut revenir cette relation douce et bienveillante que vous aviez avec votre enfant lorsqu’il était tout petit, bébé, pas pressé par le monde.
Sur cette relation bienveillante, doit reposer votre nouveau rôle de maman-maîtresse (ou papa-maître).
Souvenez-vous de la théorie de l’attachement, de John Bowlby. L’enfant, dès son plus jeune âge, développe une affection particulière pour la personne qui le nourrit, prend soin de lui, répond à ses besoins primaires. La maman est généralement la figure d’attachement principale, parce que c’est elle qui, le plus souvent, s’impose dans la vie de l’enfant durant les premiers mois de sa vie.
Tout l’enjeu de l’instruction faite par la figure d’attachement principal, est de préserver ce lien, sans l’atténuer ou le mettre en danger, lors des aléas de l’instruction. En IEF, comme partout, il y a et il y aura toujours, des jours avec et des jours sans. Apprendre quelque chose à un enfant, a fortiori une matière que l’on n’aime pas, çà peut vite devenir fastidieux. Armez-vous de patience et souvenez-vous de tout l’amour que vous portez à votre jeune élève. C’est primordial, et le gage du succès de votre IEF.
Si un enfant est stressé lors de l’instruction, malmené, s’il sent qu’il agace son parent référent, il va perdre confiance en lui, douter de ses capacités, et le cercle infernal va débuter. Au contraire, si l’enfant est instruit dans le calme, la sérénité, l’affection et la patience, il va continuer à assimiler que ses questionnements et ses erreurs sont accueillis avec empathie et bienveillance, il ne va pas baisser les bras, travaillera avec courage et persévérance, n’hésitera pas à exprimer ses besoins, ses attentes, ni à tenter, prendre le risque de se tromper. Et, précisément, c’est en faisant des erreurs, que l’on apprend et que l’on avance.
Une bonne organisation, et la mise en place d’une routine, sécurisent l’enfant. Il ne faut pas hésiter à lui dire la veille au soir, ce que vous ferez le lendemain. Ou bien, à commencer des choses un jour, et les inscrire dans un processus de continuité, sur les autres jours de la semaine par exemple. L’enfant sait à quoi s’attendre, il sait où il va, et çà le rassure. De même, les réactions de l’adulte doivent être constantes, surtout pas imprévisibles. Si un jour, vous sentez que vous n’aurez pas la patience, il vaut mieux prendre la journée et décider de faire autre chose, plutôt que d’avoir une réaction inattendue, colérique, qui va marquer votre enfant et l’angoissera à l’avenir, inhibant ainsi ses facultés d’apprentissage et de mémorisation.

Recevoir l’instruction de la part de sa principale figure d’attachement peut s’avérer un atout majeur, notamment pour les élèves dits « en difficultés ». Une mère aimante saura créer, parfois même sans y penser, un climat chaleureux, d’écoute bienveillante et respectueuse, patiente, qui mettra l’enfant en sécurité et l’encouragera à essayer d’évoluer. Ainsi que le dit Catherine Gueguen, l’instructeur doit être « quelqu’un capable de l’écouter et de le comprendre sans jugement ni humiliation », car c’est là une « condition indispensable pour apprendre ». En outre, ce climat positif permet de développer en l’enfant plus de facultés d’apprentissages (meilleure oxygénation du cerveau non stressé, et donc meilleur développement des cellules cérébrales, notamment de mémorisation)
La relation parent/enfant dans le cadre de l’instruction en famille, doit être une relation empathique et soutenante. L’adulte croit en l’enfant, en ses capacités, en son rythme, et doit tout mettre en œuvre pour lui faire ressentir cette confiance, en tout instant, et surtout dans les moments difficiles. Cet adulte n’aura pas recours à des formes de violence éducative ordinaire pour obtenir ce qu’il veut en matière d’instruction. Cet adulte aimant mettra en œuvre tout ce qu’il peut pour que l’enfant ait à sa disposition des moyens d’apprendre, dans le respect de ses goûts et de ses capacités du moment. Cet adulte favorisera l’autonomie de l’enfant.
Accompagner sans punir, aider à comprendre sans gronder, ni blesser. Savoir lâcher prise quand le besoin s’en fait sentir, de part et d’autre.
Ne pas trop se mettre la pression. On a beau avoir choisi de faire l’instruction en famille, on n’en reste pas moins humain. On a le droit d’être fatiguée, malade, démotivée. On a le droit, un jour, une semaine, de ne pas avoir envie. Cela ne remet absolument pas en cause la qualité de note engagement de parent-enseignant, pas plus que la qualité de notre relation avec notre enfant.
Personne n’a dit que c’était facile. Mais cela peut vite devenir une expérience merveilleuse, où l’adulte apprend en même temps que l’enfant, à tous les niveaux.

 

 

Anne-Catherine Proutière, fondatrice du blog « Pédagogies alternatives en liberté », pour Pass éducation