Et si on changeait de regard sur l’enfant, par Catherine Gueguen | Résumé de conférence

Résumé de conférence du 05/10/15 à l’UNESCO.

Catherine Gueguen, une professionnelle de l’enfance expérimentée

Catherine Gueguen est pédiatre. Elle est également l’auteure de plusieurs ouvrages sur les thèmes de l’enfance et du développement du cerveau ayant pour fil conducteur l’épanouissement des jeunes générations. Elle a notamment publié Pour une enfance heureuse en 2015 à la suite duquel elle a été amenée à donner de nombreuses conférences et, plus récemment, Heureux d’apprendre à l’école en 2018. Son métier, ainsi que les interrogations des parents venus la consulter en nombre durant sa carrière, l’ont incitée à se tourner vers les neurosciences affectives afin de pouvoir comprendre et répondre aux demandes des familles en s’appuyant sur des données scientifiques. En effet, lorsque Catherine Gueguen découvre les conclusions des dernières recherches sur le cerveau émotionnel, elle comprend que cela va lui permettre de répondre à de nombreuses interrogations, celles des parents bien entendu mais aussi les siennes. Ces études permettaient enfin de comprendre par l’expérience critique et objective des chercheurs ce qu’elle pouvait avoir constaté intuitivement par elle-même dans l’exercice de sa profession. Cela lui donnait enfin des éléments tangibles pour affirmer ce qu’il convenait de faire afin de trouver une réponse à cette grande question : comment faire pour qu’un enfant s’épanouisse, pour qu’il soit heureux, enthousiaste et qu’il ait confiance en lui ?

 

Le constat de la spécialiste : l’importance des relations parents-enfants

Les relations qu’entretiennent les parents avec leurs enfants agissent sur ce que sont les enfants aujourd’hui et sur ce qu’ils seront demain. Le cerveau d’un enfant est malléable : plus il est jeune, plus il est docile, façonnable, manœuvrable. En tant que pédiatre, Catherine Gueguen a pu observer le comportement de nombreuses familles qu’elle a rencontrées pendant l’exercice de sa profession. Ainsi, elle donne deux exemples criant de vérité sur l’impact des agissements des parents sur la conduite des enfants :

  • A la maternité, elle visite une jeune maman avec son bébé juste né. Tous les deux ont l’air heureux et paisible. La maman précise que cela est normal car elle et son conjoint ont beaucoup choyé leur bébé pendant la grossesse ;
  • Dans son cabinet, elle a souvent rencontré des familles avec des enfants un peu agités, qui ne tiennent pas sur leur chaise. Lorsque les parents les réprimandent, elle a constaté deux types de réaction de la part des enfants : soit ils se replient sur eux-même et restent prostrés jusqu’à la fin du rendez-vous, soit ils s’agitent encore plus.

Elle en conclut donc que la relation entre les parents et les enfants conditionne le développement de l’enfant. Mais tout ceci n’était qu’intuition jusqu’à trouver l’explication dans les études réalisées par les neurosciences affectives.

 

L’intérêt des neurosciences affectives pour comprendre le développement de l’enfant

Les neurosciences affectives, peu connues encore en France, constituent une discipline récente qui se développe depuis une vingtaine d’années. Elles étudient ce qu’il se passe dans le cerveau lorsque nous entrons en relation avec d’autres personnes et que nous éprouvons donc des émotions. Elles permettent de comprendre les mécanismes de la maturation et du développement du cerveau, et donc du développement de l’enfant qui grandit. Toute expérience émotionnelle transforme le cerveau de façon globale : cerveau affectif et cerveau intellectuel. Plus l’enfant est jeune, plus le cerveau est modifiable et toute rencontre émotionnelle modifie en profondeur la structure des molécules cérébrales et les circuits cérébraux. Ainsi, un cerveau soumis au stress sécrète des molécules de cortisol qui, si elles sont produites en grande quantité et sur un temps prolongé, peuvent provoquer des lésions cérébrales et empêcher la maturation du cerveau.

Catherine Gueguen prend l’exemple d’un nourrisson de quelques mois. Il a un cerveau immature et ne peut pas encore gérer ses émotions. S’il pleure et qu’il est stressé par l’absence de consolation de ses parents, cela va provoquer la sécrétion de cortisol et donc induire un retard de maturation du cerveau. Laisser pleurer un bébé dans son lit ne fait que retarder la maturation du cerveau, l’effet opposé à celui escompté par les parents. Au contraire, si les parents prennent tout de suite en compte la détresse de leur enfant et le rassurent, d’autres hormones seront sécrétées dans le cerveau permettant une meilleure maturation et contribuant au développement de l’hippocampe, favorisant  ainsi la mémoire et de meilleures connexions neuronales. Cela provoque aussi la sécrétion de l’ocytocine, hormone de l’empathie, anti-stress. Le maternage permet donc de mieux gérer les émotions de l’enfant puis de l’adulte qu’il deviendra. Cela aura des conséquences bénéfiques sur la globalité du cerveau et donc aussi sur les capacités intellectuelles de l’enfant en favorisant le développement des cellules neuronales et des connexions entre-elles. De même, un enfant qui mord à la crèche est un enfant qui ne sait pas gérer ses émotions qui le dominent. Peut-être a-t-il éprouvé une grande peur ou une immense colère. Ce ne sont ni des caprices, ni de la méchanceté. Dans ce genre de situation, l’attitude des adultes est capitale pour le développement du cerveau de l’enfant et l’aider à grandir. Il faut permettre à l’enfant d’apprendre à gérer ses émotions. Il ne sert à rien de le gronder, ce qui générerait du stress et empêcherait donc la maturation du cerveau, mais il vaut mieux lui faire confiance. La solution est l’écoute de l’enfant, la compréhension de son mal-être, et la bienveillanceMais attention, la bienveillance n’est pas synonyme de laxisme. Cela ne signifie pas tout laisser faire. L’adulte fixe des limites, transmet des valeursLes études démontrent que les éducations punitives et sévères ne font pas progresser les enfants qui deviennent durs, violents, et adoptent des attitudes antisociales. Pour le développement de l’enfant, il convient donc d’éviter les humiliations et les violences verbales et physiques.

Alors, comment faire pour qu’un enfant s’épanouisse, pour qu’il soit heureux, enthousiaste et qu’il ait confiance en lui ? Il faut changer le regard que porte la société sur l’enfant. Les éducateurs, les enseignants, les parents ont un rôle important à jouer. Même si cela prendra du temps, c’est tout-à-fait possible car le cerveau adulte est aussi modifiable. La société doit cesser de croire qu’il faut faire souffrir les enfants pour qu’ils progressent. Les clés d’un développement harmonieux sont :

  • l’empathie : être à l’écoute, sentir et comprendre les émotions de l’enfant ;
  • la bienveillance.

Élevé dans ce climat, l’enfant sera heureux, sociable, confiant, curieux, enthousiaste et deviendra un adulte accompli. D’après Catherine Gueguen, si tous les enfants avaient la possibilité de grandir entourés d’adultes bienveillants et empathiques, « le monde serait plus pacifique et plus chaleureux. »

 

Carine Poirier, auteure et cofondatrice de parenthesenomade.fr, pour Pass éducation