Re-scolarisation

Au fur et à mesure que notre famille a pris ses marques dans l’IEF (Instruction En Famille), il m’est apparu une évidence : la motivation des enfants apparaît (ou plus exactement dans notre cas : revient) avec la liberté d’agir dans un cadre sécurisant. Après plusieurs lectures, aussi bien des articles, des livres, des magazines, je me suis rendue compte que cette liberté d’apprentissage se nomme le Unschooling.

Dans la philosophie du Unschooling, l’enfant est acteur de ses apprentissages, l’adulte, le parent est un soutient dans ses choix. En IEF ce soutient se place dans l’aide à la recherche, à la mise en place, aux rencontres. Après une année en IEF, notre fille de 8 ans qui a donc connu l’école, puis la maison, a souhaité être ré-scolarisée. Ce choix m’a un peu fait peur au début, et déçue, j’ai eu l’impression de ne pas avoir réussi à lui proposer assez de rencontres avec sa meilleure amie scolarisée (une fois par mois plus des écrits). Car c’est cette amitié qui a initié sa décision. Puis j’ai compris qu’au contraire, c’est ce « pouvoir » retrouvé, ce libre choix qui a permis à notre fille de savoir ce qu’elle désirait réellement. Sa meilleure amie étant à l’école, ne pouvant pas faire autrement pour la voir plus régulièrement : elle souhaitait donc y retourner.

Nous avons repris contact avec le directeur de l’école que nous connaissions, étant donné que la nouvelle de la déscolarisation avait été accueillie avec plus ou moins de sentiments négatifs, j’y suis allée avec des précautions pour que le retour se passe bien pour notre fille. Une bonne entente entre adultes permet aux enfants de s’en inspirer ! Il a été très heureux de savoir qu’elle allait réintégrer son école, car il faut bien l’avouer, le nombre d’élèves est déterminant dans les écoles pour l’ouverture ou la fermeture de classe, et c’est toujours à flux tendu que les directeurs vivent pour maintenir une certaine qualité d’accueil des enfants. Il n’a absolument pas été question de passer un test ou autre type d’évaluation pour sa réintégration, elle devait entrer en CE2, par contre cela peut se produire pour des niveaux supérieurs.

Lorsque l’on connaît son enfant, on devine un peu les facilités et les difficultés qu’il risque de rencontrer avec ses décisions, et notre rôle est justement d’être un soutient permanent pour lui. Notre fille est hypersensible, et a un système chrono biologique particulier qui ne lui permet de s’endormir que tardivement, et lui donne beaucoup de difficultés pour se lever du matin. Elle ressent aussi les injustices de manière plus prononcée, et cela lui avait déjà posé problème dans le passé. Ses émotions sont expansives, rapides et puissantes.

Il nous a fallu donc préparer cette re-scolarisation avec douceur, motivation et surtout être en capacité d’accueillir ses émotions à sa sortie d’école chaque jour. Sa motivation de voir sa meilleure amie n’a pas enlevé les difficultés de devoir répondre aux exigences de sa maîtresse. Car ce sont ces demandes qui parfois bloquent notre fille : recopier mot pour mot, poser le calcul d’une façon uniforme, faire signer un cahier, rester immobile… Les enfants ont des difficultés à se conformer à ce types de demandes, cela manque bien souvent de sens, cela va même à l’encontre de la nature parfois, et lorsque l’on a goûté à une certaine liberté, se retrouver de nouveau dans ce carcan peut être source de mal être.

Pour aider mon enfant à évacuer, chaque soir, je l’accueille en lui disant simplement que je suis heureuse de la voir, elle a son goûter (c’est impressionnant l’énergie dépenser à rester immobile !), puis nous nous posons 10 minutes ensemble soit pour parler de ses difficultés : entre copinage complexe et devoirs à faire, soit pour jouer : se chatouiller, courir, crier. Les autres parents ont été peut être surpris au début de nos comportements, mais je crois qu’ils s’y sont habitués, car elle est bien souvent la seule à rigoler à gorge déployée en sortant de l’école sans que je ne la retienne, et plus personne ne tourne la tête ! Retrouver sa meilleure amie a été entaché par le fait qu’elles ne sont pas dans la même classe, les enseignants n’ont pas pu faire de changement, et elle le vit comme une injustice. Elles profitent l’une de l’autre durant les récréations et surtout le midi. J’ai la possibilité de venir la chercher quasiment chaque jour, mais nous respectons son besoin de temps libre à l’école, avec son amie, et nous acceptons donc de payer la cantine.

Faisant partie d’une fratrie dont les autres sont en IEF , elle est donc la seule à avoir des leçons le soir ! C’est notre grande difficulté, car elle refuse bien souvent de s’y atteler, sauf pour la lecture ou les poésies qui l’inspirent. Le sentiment d’injustice légitime est fort, je lui laisse donc le choix du moment où elle veut essayer d’apprendre par cœur des séries de mots ou faire des opérations. Elle apprend selon les codes scolaire en ayant la tête à l’envers, ou en sautillant, en écrivant sur des feuilles libres ou sur son agenda. Lui laisser un peu de liberté dans ce carcan lui permet à 70% de faire face à ses leçons. Et pour les 30% restant, nous mettons de côté, tout simplement !

Elle n’a aucune difficulté, donc les apprentissages se font allègrement, peut être que pour un enfant en difficulté, la re-scolarisation est plus compliquée… Avoir assez de temps pour lire les consignes, pour comprendre, pour raisonner. Se tenir à longueur de journée immobile, ne pouvoir jouer et sortir qu’à des horaires définis, aller aux toilettes en quelques secondes pour ne pas louper une conversation de copains, faire face aux agressions des autres enfants qui peuvent exprimer un mal être… tout ce ci fait parti de la sociabilisation et de l’école, y faire face est très douloureux pour des enfants différents, à particularités.

Elodie Agopian, @elo53die, pour Pass éducation