Phobie scolaire : Les facteurs déclencheurs, de maintien et de prises en charge

Définition

La phobie scolaire est l’impossibilité pour les enfants ou adolescents d’aller à l’école de manière sereine. L’anticipation de se rendre à l’école engendre des symptômes somatiques comme des maux de ventre ou de tête, des vomissements, des crises d’angoisses, des pleurs, des vertiges et des malaises. Les enfants peuvent également entamer des supplications de ne pas se rendre à l’école. La phobie scolaire, aussi appelée le « refus scolaire anxieux », est multifactorielle et polyforme : chaque individu peut réagir différemment. Il peut survenir de manière soudaine ou progressive, rendant la scolarisation difficile voire impossible. Il n’est pas étonnant que la phobie scolaire touche les jeunes personnes : le milieu scolaire peut être associé au cadre de travail des adultes. La prise en charge et la prévention de celle-ci doivent s’axer sur divers axes, comme cela s’effectue sur les risques psychosociaux dans le monde du travail. Tant dans les cas de Burn-Out ou de phobie scolaire, la cause est souvent reliée à des facteurs de personnalité. Or, rien n’est aussi simple !

Facteurs de déclenchement

Composante individuelle

Bien entendu, certains types de personnalité et de biais cognitifs peuvent être potentiellement plus à risque de développer certaines pathologies. L’inhibition comportementale, soit le fait de se sentir incapable d’agir librement selon ses désirs, serait un facteur majeur dans l’apparition de troubles d’anxiété socialeCependant, même si le bois est très sec, il faut bien une allumette pour allumer un feu. Le contexte et la manière de réagir du cercle social va agir comme un briquet.

Le contexte scolaire

Certaines études ont mis en évidence que la phobie scolaire sera principalement inhérente à une répétition de situations qui amène potentiellement un sentiment d’humiliations et d’échecs : prise de parole en public sous stress, comparaison et classement entre élèves, échecs scolaires, manque d’intégration sociale, moqueries de la part d’autres étudiants, remarques désobligeantes de la part d’un.e enseignant.e, etc. Le contexte scolaire est un vaste terrain dans lequel les situations d’inconforts sociaux, psychologiques et physiques peuvent se produire. Pourtant, il existe peu d’application des programmes de prévention auprès des élèves : anxiété, dépression, harcèlement scolaire, phobie scolaire… ces notions sont rarement abordées avant qu’un événement marquant attire l’attention. La prise en charge de ces problèmes est donc aléatoire, en fonction des établissements. Il est nécessaire de savoir que les difficultés d’apprentissage provoquent davantage de refus scolaire anxieux chez les enfants qui en sont sujets. Les difficultés d’apprentissage engendrent des situations d’échecs qui ont souvent un impact sur la confiance en soi et aussi l’intégration sociale. Tout cela induit du stress qui ne sera calmé que par l’évitement du contexte scolaire.

Augmentation de l’anxiété

A l’époque actuelle, la phobie scolaire est fréquente. Elle représente 1 à 8% des enfants et adolescents, selon les études. Entre 3 et 33% développent un trouble anxieux.
Le contexte social actuel engendre des craintes par rapport à l’avenir. La société induit de plus en plus d’individualisme. L’usage des smartphones amène un isolement social et une pression à l’image sur les Réseaux Sociaux.

Facteurs de maintien

La contrainte de scolarisation

Lorsqu’un élève commence à refuser à se rendre à l’école, il est habituel de soutenir la scolarisation et ses avantages du point de vue des adultes. Cependant, il est nécessaire dans la plupart des cas que la scolarisation soit interrompue temporairement afin que la prise en charge puisse permettre une réintroduction progressive, adaptée et inclusive dans le contexte anxiogène, quand c’est possible.

Exposition à des interactions sociales toxiques, réelles et virtuelles 

Les sensations de mal-être qui se développent dans le système scolaire peuvent induire une difficulté d’adaptation sociale. La distance peut se créer de plus en plus avec les pairs. Le sentiment d’être anormal.e et isolé.e se renforce. Les situations de harcèlement maintiennent évidemment la phobie scolaire. Mais le harcèlement peut se poursuivre par des biais virtuels qui suivent les jeunes gens à domicile. Il peut alors être nécessaire d’investiguer l’objet de leur exposition afin de pouvoir les aider à sortir de cette expérience néfaste.

Comorbidité :

En plus des symptômes de refus scolaire anxieux, il est utile d’approfondir la situation singulière afin de savoir s’il n’y a pas une autre pathologie qui complexifie le diagnostic et la prise en charge. Cela peut être une dépression, des troubles anxieux, des troubles du comportements alimentaires, des TOCs, etc.

Culpabilité parentale et culpabilisation vis-à-vis des enfants

Lorsqu’un enfant commence à refuser de se rendre à l’école ou qu’il somatise énormément, les parents peuvent se sentir démunis. Cherchant des causes à ce mal-être, une réaction habituelle est de culpabiliser sur les prétendus manquements pour assurer le bien-être de son enfant. La question de l’angoisse de séparation d’avec la mère est d’ailleurs encore souvent mise en exergue en France, alors qu’elle est juste mentionnée comme possibilité Outre-Atlantique. Beaucoup de parents culpabilisent d’avoir un enfant avec des difficultés scolaires, que ce soit des troubles de l’apprentissage, du harcèlement ou de la phobie scolaire. Un autre élément majeur est la culpabilisation des attitudes de ces enfants et de leur impossibilité à aller en cours : les remarques négatives et dévalorisantes vont renforcer le sentiment d’échecs des jeunes.

Absence de prise en charge

Un évident facteur de maintien de la phobie scolaire est lié à l’absence d’une prise en charge rapide. Il est conseillé qu’un suivi soit mis en place dans les 10 mois qui suivent les premiers symptômes de manière à éviter que la situation ne se cristallise. La prise en charge de la phobie scolaire est considérée comme une urgence psychothérapeutique.

Les croyances dysfonctionnelles :

Ce sont des pensées que les élèves peuvent fonder sur eux-mêmes. Souvent, il s’agit de croyances d’anticipation sur ce qui risque d’arriver tant telle ou l’autre situation, des croyances inconditionnelles qui sont génériques et qui peuvent devenir persistantes : « Je suis nulle ! » ; « C’est normal que personne ne veuille être mon ami puisque je n’ai aucune qualité ! » …
Ces croyances vont engendrer des anticipations négatives et une interprétation altérée des situations à venir : c’est le biais de personnalisation. La personne interprète un comportement : claquer la porte, par exemple, pourrait signifier qu’elle n’est pas la bienvenue. Ensuite, la personne se juge défavorablement. Elle pense que les autres vont faire de même. Elle focalise son attention sur ses propres réactions de manière à ne pas être perçue comme une personne déviant des normes sociales. L’hyper-centration sur soi-même engendre une moindre disponibilité pour les interactions sociales. Elles peuvent causer des réactions inadéquates ce qui maintient le cercle vicieux du sentiment de mal-être en société.

Prise en charge de la phobie scolaire

Reconnaissance de l’anxiété

Dès le départ, il est nécessaire que les parents et les intervenants autour des jeunes gens reconnaissent l’anxiété vécue. L’acceptation du ressenti des élèves est nécessaire afin de pouvoir prendre conscience le plus tôt possible de leur réalité. Lorsque les somatisations se répètent et que les jeunes gens font part de leurs maux autour de la situation scolaire, il convient de s’ouvrir à la discussion afin qu’ils puissent être entendus sans jugement. L’anxiété ressentie par les jeunes gens n’est pas éprouvée par les parents. Souvent, elle n’est pas anticipée et encore moins voulue. Il est fréquent que les réactions automatiques aillent dans le sens de minimiser les ressentis ou de pousser à les ignorer de manière à continuer à « être dans le système ». Pour beaucoup de parents, le mal-être de leurs enfants est vécu comme un échec. La solution automatique et inconsciente engendre un déni de la situation… jusqu’à ce que la situation devienne flagrante.

Entamer un suivi psychothérapeutique

Bien sûr, il est indispensable d’orienter les enfants vers une psychothérapie. Les Thérapies (Émotionnelles) Cognitives et Comportementales sont les plus indiquées dans ces situations-là. L’EMDR peut s’avérer utile afin de réduire la charge traumatique de certains événements qui bloquent émotionnellement les enfants. D’autres pratiques psychothérapeutiques ont fait leurs preuves comme la médiation animale, la sophrologie et l’art-thérapie. Chaque psychologue-psychothérapeute utilise les médias qu’il s’applique à la singularité des patients de manière à faire émerger la source de la phobie scolaire et d’explorer les voies pour trouver un nouvel équilibre psychique.

Diminuer le stress relatif à l’organisation scolaire

Dans un premier temps, il est utile de décrypter ce qui provoque le mal-être des jeunes gens. Très souvent, l’organisation autour de la scolarité est vectrice de stress. Les matins sont régulièrement des moments de précipitation qui peuvent induire un malaise dès le début de la journée. Il en va de même pour le choix des vêtements, de la nourriture pour la journée, pour la participation aux activités extrascolaires ou périscolaires, etc.

Éviter l’école durant une période

Il est fréquent que la phobie scolaire nécessite une déscolarisation temporaire ou définitive. Il peut être utile de savoir que l’enseignement via le CNED est gratuit temporairement sur prescription psychiatrique. Cependant, il n’est pas obligatoire de s’orienter vers le CNED, il est également possible de poursuivre une instruction en famille sans support préétabli.

Déconstruction de l’importance de la scolarisation en proposant des alternatives au système éducatif

La déscolarisation est une issue que craignent la plupart des parents d’enfants scolarisés. En plus de l’organisation pratique à adapter, il est largement sous-entendu dans la société que la scolarisation est une étape essentielle pour le devenir des citoyens. Or, la plupart des compétences et connaissances acquises dans les établissements scolaires peuvent être acquises autrement. La sociabilisation s’effectue favorablement dans les activités extrascolaires comme la participation à un sport, un hobby créatif ou autres. Les connaissances nécessaires pour atteindre les niveaux scolaires sont acquises différemment dans les situations d’instruction en famille. L’absence de collectivité et de contrôle continu favorisent les apprentissages transversaux.

Prise en charge des parents

Dans les cas de phobie scolaire, les parents sont souvent assaillis de doutes et de craintes pour l’avenir de leurs enfants. Les difficultés dans le cadre scolaire peuvent faire émerger des réminiscences de leurs propres vécus. Les parents ont évidemment leurs croyances et leurs projections. Il est profitable que chacun puisse être clarifier sa propre expérience afin de pouvoir accompagner la singularité de son enfant. Un suivi psychologique n’est pas forcément nécessaire, mais il est indispensable que la cellule familiale soit entendue et incluse comme contributrice du mieux-être de leur enfant.

Projet d’accueil individualisé dans les écoles : nombre d’heures de présence adapté, conditions particulières pour les devoirs/examens 

Après une période de déscolarisation, il est utile que l’établissement participe à l’élaboration d’une Plan d’Accueil Individualisé. Par exemple, le retour à l’école peut être progressif et ne s’effectuer que quelques heures par semaine. Il est aussi possible d’adapter les conditions pour la notation des devoirs ainsi que la passation des examens.

Parcours alternatifs en scolarisation/soin

Une autre option est un type de scolarisation qui s’effectue dans un parcours de soin. La plupart du temps, cette option est temporaire afin que les jeunes gens soient accompagnés de manière rapprochée dans les moments de mal-être intense.

Choisir un établissement plus adapté

Dans certaines situations, il convient que les enfants soient changés d’établissement. Toutes structures éducatives contiennent un plan pédagogique, une ambiance et une façon d’accompagner les élèves, d’autant plus saillantes lorsque des difficultés se présentent. Chaque individu est singulier et a des besoins spécifiques. Certaines pédagogies ne sont pas adaptées à des fonctionnements moins typiques. Les adaptations pédagogiques sont habituelles pour les élèves dits « à besoins spécifiques » mais lors des problèmes psychiques, il n’y a pas de protocole déterminé. La plupart des établissements scolaires fonctionnent sur un système de notation qui peut, en lui-même, induire des expériences d’échec et des humiliations. Ces dernières sont largement parties prenantes dans l’apparition du refus scolaire anxieux.

Favoriser une collaboration interdisciplinaire autour de la prise en charge

La prise en charge des phobies scolaires est indubitablement pluridisciplinaire. Chacun peut agir à sa mesure dans la même orientation thérapeutique. Ainsi, la communication doit être claire, pertinente et non violente entre les élèves, les parents, les médecins et les établissements.

Prendre contact avec des associations

Enfin, les enfants et les parents peuvent trouver du soutien auprès d’associations spécialisées comme l’Association Phobie Scolaire qui propose moult informations pratiques et permet une prise en charge mieux adaptée pour les familles.

 

Ressources pour les intervenant.e.s :

 

 

Natacha Butzbach, Fondatrice du Réseau Parentage Proximal et Rédactrice de La Curiosité Bienveillante, pour Pass éducation