Phobie scolaire et dyspraxie

Cet article est complémentaire de Phobie scolaire et TDA-H.

La phobie scolaire est un réel problème pour de nombreux enfants, qu’il est essentiel d’entendre et d’investiguer. Les parents doivent être à l’écoute, et distinguer entre ce qui est réellement une phobie scolaire (l’enfant veut aller à l’école, mais est paralysé par sa peur) et au contraire un rejet scolaire (l’enfant ne veut absolument pas aller à l’école). La phobie scolaire peut s’expliquer par différentes raisons : il appartient à chaque parent de trouver la- ou lesquelles sont à l’origine de l’angoisse de leur enfant.

Une cause de la phobie scolaire que l’on retrouve très fréquemment est la dyspraxie : l’enfant veut aller à l’école, mais il souffre de troubles du comportement gestuel qui le mettent en grandes difficultés face aux apprentissages : c’est ce qui est à l’origine de ses craintes et de son profond mal-être. L’idée d’aller dans un milieu où, précisément, ses troubles seront mis en exergue, de par les exigences mêmes des apprentissages, et face à un environnement qui ne lui est pas familier (ou pas assez, en tout cas – il n’est pas dans son cocon familial sécurisé), le tétanise et le paralyse. Soulignons que ces enfants seront handicapés durant tout le temps de leur scolarité et même au delà : la dyspraxie ne se guérit pas, elle s’accompagne.

Qu’est-ce que la phobie ?

Il s’agit d’une peur morbide, une angoisse particulièrement forte qui envahit le sujet lorsqu’il y pense ou lorsqu’il sait qu’il va être confronté à l’objet de sa peur – ce qui est quasiment quotidien pour bon nombre d’enfants.

Qu’est-ce que la dyspraxie ?

Il s’agit d’un phénomène constaté chez beaucoup d’enfants, qui se manifeste sous la forme d’un trouble du comportement gestuel. Ces enfants ne présentent par ailleurs aucun trouble considéré comme « classique » (sensoriel, musculaire, neurologique, psychiatrique ou mental). Par ailleurs, ces enfants ont fait l’objet de l’apprentissage dispensé habituellement aux enfants du même âge. Il est nécessaire de souligner qu’en l’absence d’apprentissage, on ne peut pas parler de dyspraxie. On constate chez les enfants dyspraxiques un développement anormal du comportement gestuel. Il ne s’agit absolument pas d’un retard au sens où on l’entend habituellement – et ce, même si les enfants dyspraxiques ont longtemps été considérés comme souffrant d’un retard psychomoteur – mais bien d’un développement différent, hors-norme. Répétons-le encore une fois, hors-norme ne signifie pas anormal : cela signifie simplement que le comportement de l’enfant ne rentre pas dans les normes établies et rencontrées généralement. Depuis la publication du DSM-4, l’ouvrage international de référence dans le diagnostic et la désignation des troubles psychologiques, on ne parle plus de dyspraxie mais de TAC – Troubles d’Acquisition des Coordinations. Néanmoins, en pratique, nombre de praticiens continuent d’employer le terme de dyspraxie. 

Comment voit-on une dyspraxie ?

Il est important d’abord de souligner que si l’enfant dyspraxique souffre bien de ses troubles, ceux-ci sont à la fois négatifs et positifs : l’enfant n’arrive pas à faire certaines choses, ou bien il les fait mal, ou lentement ; mais par ailleurs, il y en a d’autres qu’il réalise parfaitement, voire même trop vite. La lenteur se manifestera surtout dans les gestes du quotidien : se laver, s’habiller, manger, … mais on la relève  aussi dans les apprentissages académiques : dessiner, coller, découper, écrire, etc. Enfin, on retrouve les gestes lents également dans les jeux de l’enfant, particulièrement ceux qui nécessitent une certaine dextérité :  jeux de cubes, jeux de construction, jeux d’adresse,… L’enfant dyspraxique trouve sa propre voie de compensation : de manière générale, il préfèrera des activités où ses troubles se feront moins sentir : des jeux plus solitaires, faisant appel à l’imaginaire, et des loisirs plus culturels : écouter de la musique, regarder des pièces de théâtre ou des films, visiter des musées ou des expositions, …Logiquement, il préfèrera la compagnie des adultes, qui se livre à des activités plus proches de ses capacités. Ces différences de l’enfant dyspraxique peuvent le mener à faire preuve de surperformance verbale, réflexive, etc. : autant de comportements qui le positionnent comme en-dehors de la norme établie pour des enfants du même âge. Le décalage se remarque le plus souvent au moment de l’école maternelle. Si l’enfant dyspraxique ne s’intéresse pas aux jeux classiquement proposés à ce niveau d’apprentissage, cela ne signifie nullement qu’il ne s’intéresse à rien et ne veut rien faire. Il a simplement besoin que les activités qui lui sont proposées lui soient adaptées. Selon Michèle Mazeau, neuropsychologue française spécialiste de la dyspraxie qu’elle étudie depuis plus de trente ans, il s’agit là de véritables points forts qui doivent être vus et exploités afin d’optimiser l’avenir des enfants dyspraxiques.

Poser le diagnostic

Le diagnostic de dyspraxie, ou TAC, repose sur quatre points essentiels, qui doivent impérativement être menés dans cet ordre : 

  1. Les symptômes : l’enfant se plaint, ou son entourage constate, des difficultés au quotidien (dans l’habillement, la prise alimentaire, etc)
  2. Le diagnostic différentiel : le praticien en charge de l’enfant doit prendre le temps d’éliminer toutes les autres causes pouvant être à l’origine de ces troubles (troubles neurologiques, sensoriels, pathologies)
  3. L’enfant passe des tests psychologiques : QI tout d’abord, visant à mettre en lumière une dissociation entre QIV (QI Verbal – très bon chez les enfants dyspraxiques) et QIP (QI Performant : souvent très échoué). Attention cependant, ce seul test ne suffit pas à poser le diagnostic ! Il doit aussi y avoir une observation qualitative de l’enfant : il critique sa production (il est conscient de ses difficultés), et a plusieurs façons de rater un même geste. Le praticien utilisera souvent l’Échelle de Wechsler. Il devra en outre veiller à ne pas confondre un retard graphique avec une « immaturité intellectuelle ». En effet, parfois l’enfant dyspraxique arrive à faire une tâche qui lui est habituellement difficile, ce qui fait passer nombre d’adultes à côté du diagnostic, avec le fameux « quand il veut, il peut ».
  4. Bilan psychomoteur et ergothérapeutique. Il comprend plusieurs tests, mêlés à des observations. C’est un bilan complet, auquel dans certains cas on ajoutera un bilan orthoptique.

Conséquences

Outre la lenteur et la dévalorisation de soi, l’enfant dyspraxique subit de lourdes conséquences dans ses apprentissages scolaires. Il a de nombreuses difficultés à lire et à écrire, à s’organiser. Le souci est énorme pour ces enfants : ils s’appliquent énormément pour réaliser une première tâche (écrire ou dessiner par exemple) et n’ont plus de ressource cognitive disponible pour l’autre tâche qui leur est demandée – et qui est, en classe, la demande sur laquelle porte réellement l’attention de l’enseignant (l’orthographe par exemple pour la tâche écriture, ou bien une forme géométrique pour le dessin). C’est le souci de la double tâche, qui est un problème majeur des enfants dyspraxiques scolarisés : c’est totalement contre-productif, et de ce fait inutile, mais également délétère pour l’enfant qui est confronté en permanence à son échec, et à sa différence des autres élèves (qui, eux, ont automatisé la première tâche et peuvent donc entièrement se concentrer sur la seconde). Le souci pour ces enfants dans le système scolaire classique est le manque de temps, le manque de moyens, le manque de compétences du personnel enseignant, ne permettant pas la pose du diagnostic et l’établissement d’un accompagnement adapté. Ainsi que le souligne Michèle Mazeau, donner des ordinateurs ne suffit pas : encore faudrait-il leur apprendre à s’en servir ! De plus, comme nous l’avons déjà dit, le suivi doit se poursuivre avec la même qualité et la même attention tout au long de la scolarité de l’enfant (quel autre adulte pourrait faire cela mieux qu’un père ou une mère ?). Combien d’enfants se retrouvent ainsi sur la touche, boutés dans une voie sans issue qui n’a rien à voir avec leurs réelles capacités ? (on les oriente ainsi souvent vers le travail manuel par exemple). 

L’enfant dyspraxique est toujours dysgraphique : la bonne solution serait donc de limiter au maximum les recours au graphisme. Il y a néanmoins d’autres moyens. L’idée n’est pas d’essayer d’adapter l’enfant au système : au contraire, c’est le système qui doit tenir compte des exigences liées à la condition dyspraxique de l’enfant – d’où l’intérêt de l’Instruction en Famille, et la nécessité absolue de maintenir ce droit. Le graphisme n’est pas automatisé, et ne le sera jamais, il aura donc toujours besoin d’adaptation : quel meilleur cercle pour se faire que le cercle familial ?

Pourquoi l’IEF est-elle plus adaptée à l’enfant dyspraxique ?

La dyspraxie est donc un trouble neuro-développemental, qui touche à la fois à la santé et aux apprentissages. Dans le milieu scolaire, l’enfant subit sa dyspraxie de manière dédoublée. Il est en permanence confronté à des situations humiliantes qui le ramènent à son échec : en lecture, en écriture, mais aussi en mathématiques, en sport et à la cantine (à cause des troubles visuo-spatiaux, notamment). Les structures institutionnelles en France aujourd’hui manquent de moyens pour s’adapter aux besoins des enfants dyspraxiques, mais elles manquent aussi cruellement d’informations : comment s’adapter aux besoins d’un enfant quand on n’est pas conscient des problèmes qu’il peut avoir ? quand on n’est pas formé pour tenir compte des découvertes des neurosciences dans le développement de l’enfant ? Poursuivre un enseignement classique pour les enfants dyspraxiques revient à se taper la tête dans le mur. C’est même « pervers » selon Michèle Mazeau. La mauvaise perception de l’enfant reste, aujourd’hui encore, un problème considérable en France – un vrai problème de santé publique, il faut le dire. Au contraire, en IEF, l’adulte peut être disponible pour l’enfant, à l’écoute de ses difficultés, de ses besoins, mais aussi et surtout de ses points forts. Il peut dès lors mettre en place des stratégies variées afin d’accompagner l’enfant dans le développement de ses points forts – une vraie promesse d’un avenir lumineux pour des enfants que l’école classique ne reconnaît encore que trop mal.

 

 

Anne-Catherine Proutière, fondatrice du blog « Pédagogies alternatives en liberté », pour Pass éducation