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Les tests lors des contrôles pédagogiques en IEF (Instruction En Famille)

En savoir plus sur nos droits

La partie légale relative au contrôle de l’Instruction En Famille a été modifiée lors du passage de la Loi Blanquer, durant l’été 2019. Ce décret fixe les conditions nous concernant et s’appliquent aux enseignements privés hors contrat. Soulignons que le Code de l’Éducation est régulièrement soumis à des modifications qui passent parfois inaperçues (il y en a eu une par exemple le 6 avril dernier). Il est donc important de se tenir informé régulièrement, et de vérifier, par exemple quand on reçoit la date de notre contrôle, que cette partie précise de la loi n’a pas été modifiée. Ce qui nous intéresse plus particulièrement ici c’est bien le contrôle pédagogique en lui-même, notamment en ce qui concerne les tests auxquels les enfants peuvent être soumis. Vous trouverez dans un autre article les modalités générales du contrôle pédagogique (détails légaux et informations relatives aux potentiels deuxièmes contrôles)Le contrôle pédagogique, généralement annuel, est particulièrement redouté par les familles – c’est même souvent la plus grande crainte qui va les freiner dans leur démarche d’IEF. Il est donc très important de bien se renseigner en amont et de savoir ce que dit exactement la loi – il est essentiel de ne pas se laisser influencer par les multiples publications, parfois très anxiogènes, que l’on peut trouver notamment sur les groupes d’IEF présents sur les réseaux sociaux.

Que dit la loi concernant les tests lors du contrôle ?

En ce qui nous concerne précisément ici, il convient de se reporter à la Sous-section 4 du décret du 2 août 2019 : « Contrôle du contenu des connaissances requis des enfants instruits dans la famille ou dans les établissements d’enseignement privés hors contrat »L’article D131-12 stipule bien que « L’acquisition des connaissances et compétences est progressive et continue dans chaque domaine de formation du socle commun de connaissances, de compétences et de culture et doit avoir pour objet d’amener l’enfant, à l’issue de la période de l’instruction obligatoire, à la maîtrise de l’ensemble des exigences du socle commun ». En outre, le texte ajoute que « la progression retenue doit être compatible avec l’âge de l’enfant et son état de santé, tout en tenant compte des choix éducatifs effectués et de l’organisation pédagogique propre à chaque établissement » – chaque établissement ou chaque famille. L’article R131-13 réitère le fait que les contrôleurs doivent tenir compte des méthodes pédagogiques choisies par la famille concernée (ou l’établissement hors-contrat). Enfin, l’article R131-14 précise le déroulement du contrôle : 

    • « un entretien avec les personnes responsables de l’enfant soumis à l’obligation scolaire, le cas échéant en présence de ce dernier. Les personnes responsables de l’enfant précisent notamment à cette occasion la démarche et les méthodes pédagogiques qu’elles mettent en œuvre »
    • « des exercices écrits ou oraux » peuvent être demandés à l’enfant, « adaptés à son âge et son état de santé, destinés à apprécier ses acquisitions dans le cadre fixé aux articles » cités précédemment. Vous avez bien lu, « écrits OU oraux », donc ça ne peut pas être les 2. N’hésitez pas à vous défendre le cas échéant, en faisant valoir les droits de votre enfant. Et, comme toujours, n’hésitez pas à intervenir en amont en préparant le contrôle, via un dialogue qui est tout à fait possible avec l’inspecteur – engager un dialogue est bien plus bénéfique pour tous que de se braquer d’emblée. Ainsi, vous pouvez par exemple faire part de l’aisance de votre enfant à l’oral, et demander qu’en conséquence ce type de test soit privilégié lors du contrôle – ou inversement.

Pistes pour les familles qui ne pratiquent pas une instruction formelle ou s’opposent à la notion d’évaluation

Il existe hélas un gap très important entre ce que dit la loi et ce qui se passe sur le terrain. Le (ou les parents) ou la personne en charge de l’instruction est invitée à présenter aux contrôleurs des travaux montrant ce que fait l’enfant et, le cas échéant, sa progression (article R131-14). L’utilisation de ces supports est vivement recommandée car elle constitue un atout précieux attestant qu’une instruction est bien donnée à l’enfant, et que cette instruction suit une progression. Cela peut s’avérer un atout majeur pour les familles en unschooling, qui ne se basent pas sur la progression d’un manuel scolaire classique, ou ne suivent pas le programme. 

N’oubliez pas que les inspecteurs travaillent pour l’Éducation Nationale – a priori, ils ne sont pas particulièrement pro-IEF, bien au contraire. Il nous appartient à nous, parents IEF, de présenter cette particularité que nous avons choisie sous son meilleur jour, à la fois en nous montrant bien informés sur nos droits, et rigoureux dans notre présentation de supports d’instruction à nos enfants. Plus cette présentation sera de qualité, plus les supports seront complets et variés, témoignant d’une vie riche à différents niveaux, moins nos enfants auront à subir de tests. Ici par exemple, nous faisons beaucoup de sorties musées, expositions, fermes, rencontres avec des artisans, etc. A chaque fois, nous faisons un résumé de notre expérience, que nous documentons par des photos ou des dessins, selon les humeurs de chacun. Cela permet aux inspecteurs de se rendre compte qu’une instruction est effectivement donnée, et que le parent instructeur s’implique dans son choix et fait de son mieux pour que cela soit effectué dans de bonnes conditions, d’ouverture sur le monde extérieur. Faire l’école a la maison ne signifie pas se replier sur soi, et c’est à nous, familles IEF, de le démontrer à nos détracteurs. Ce système de documentation de notre quotidien est aussi une manière d’aborder de multiples compétences liées au socle commun des connaissances, mais sans contrainte et en conservant la notion de plaisir, qui garantit un bien meilleur apprentissage – et ça aussi, vous pouvez le souligner lors de l’inspection.

Dérives possibles et fréquentes

On a coutume de dire qu’il existe autant de manières de faire l’IEF que de familles qui ont fait ce choix. J’ai envie de dire que c’est un peu pareil concernant les inspecteurs. Certains seront courtois, agréables, ouverts et intéressés. D’autres au contraire seront plus hostiles d’entrée de jeu, et essayeront de convaincre les familles de rejoindre « le droit chemin », et/ou d’intimider les familles lors du contrôle. Certains seront francs, d’autres plus sournois – comme cette inspectrice qui nous demanda un jour, le plus gentiment du monde, de sortir de la pièce afin que notre enfant n’ait pas peur de mal faire devant ses parents … Ne vous laissez pas faire. Vous connaissez vos enfants mieux que quiconque. Rassurez-vous en vous informant sur ce que les inspecteurs ont et n’ont pas le droit de faire, c’est le meilleur moyen de préparer votre contrôle, on ne le dira jamais assez. La Loi parle bien d’une « progression » qui court jusqu’à la fin de l’obligation scolaire. Elle mentionne aussi bien le fait que les choix pédagogiques des parents doivent être respectés. En conséquence, même si l’inspecteur est tenu d’adapter ses tests à l’âge de l’enfant, il n’a pas le droit de comparer le niveau de votre enfant à celui d’un enfant du même âge scolarisé de manière classique – dans les faits, on assiste hélas souvent à ce genre de dérive. En effet, il apparaît en pratique que les tests sont le plus souvent totalement en lien avec ce qui est proposé dans les écoles – souvent, les enfants se retrouvent avec les évaluations qui ont été proposées quelques semaines ou quelques mois plus tôt aux élèves du même âge, en classe. Ils sont donc adaptés au niveau supposé des enfants – alors que les enfants en IEF ne sont pas tenus d’être au niveau scolaire qui correspond communément à leur âge. Cette dérive semble être massivement répandue, on la retrouve en effet dans de nombreux témoignages. En ce qui nous concerne, nous avons toujours été soumis à des tests qui avaient aussi été proposés en milieu scolaire, et qui n’avaient pas grand-chose à voir avec nos propres choix pédagogiques – forestschooling, Waldorf et Montessori. Il est vrai toutefois que les inspecteurs n’en font sans doute guère le choix en fait : ils ne sont pas formés aux pédagogies alternatives, et n’ont ni le temps ni l’opportunité de le faire – utiliser des tests déjà prêts est certainement une solution de facilité, qui ne manquera sans doute pas de se répandre alors que le contexte national semble plutôt tendre vers une augmentation du nombre d’enfants en IEF.

Une autre dérive assez fréquente est que l’inspecteur interroge les parents instructeurs, pendant qu’un ou une assistant.e fait passer les tests à l’enfant. Là encore, on peut penser qu’il s’agit d’une solution de facilité. Les inspecteurs d’académie ont bien d’autres choses à faire que de s’occuper des contrôles pédagogiques en IEF. Se présenter au rendez-vous avec un ou un assistant.e qui se charge de faire passer les tests à l’enfant, pendant que l’inspecteur passe l’entretien avec les parents, est devenu monnaie courante. Sachez néanmoins que vous avez le droit de refuser cette pratique. L’enfant peut participer à l’entretien avec vous, ou pas. Et vous avez le droit de superviser les tests et de veiller à ce que les droits de votre enfant soient respectés. Sans « surveillance », tout peut se passer. La loi dit bien entretien ET tests, rien ne mentionne que l’un ou l’autre se fasse obligatoirement sans la présence du parent ou de l’enfant. Un parent bien informé sur ses droits pourra alors gentiment rappeler ces principes, et ainsi assister aux tests soumis à son enfant en veillant au grain – et donc notamment, en veillant que l’enfant ne soit pas soumis à des examens scolaires.

Plus nous, familles IEF, seront informées sur nos droits, moins nous laisserons passer des dérives de la part des contrôleurs, qui se généralisent malheureusement à la faveur du manque de connaissances des parents sur leurs droits et ceux de leurs enfants. La première chose pour bien défendre ses droits, c’est tout simplement de bien les connaître.

 

 

Anne-Catherine Proutière, fondatrice du blog « Pédagogies alternatives en liberté », pour Pass éducation