Neurones-miroirs et apprentissages

Les neurones-miroirs, c’est quoi ?

Les neurones-miroirs ont été découverts au début des années 90 par un neurologue italien, Giacomo Rizzolatti. Le chercheur avait été interpellé par la réaction d’un macaque qu’il était en train d’étudier, alors que par un jour de forte chaleur il revenait dans son labo avec une glace à la main.

Rizzolati découvrit d’abord les neurones-miroirs dans le cortex prémoteur – le macaque avait reproduit au niveau cérébral le geste du chercheur de manger la glace. Par la suite, au fil de nouvelles études, les neurones-miroirs furent affectés à d’autres localisations dans le cerveau, notamment à une partie du système limbique, qui contrôle une partie des émotions, ce qui est d’une importance capitale. La transmission des neurones-miroirs se fait principalement par voie visuelle, mais est aussi possible par voie auditive : on entend une porte s’ouvrir, on en déduit que quelqu’un arrive.

« Les neurones-miroirs jouent un rôle dans l’imitation mais aussi dans le déchiffrage des intentions et des émotions d’autrui »

– Catherine Gueguen.

A quoi ça sert ?

Les neurones-miroirs, actifs dès la naissance, reflètent l’activité que nous observons, et le cerveau humain est ainsi fait que le geste observé devient comme contagieux. 

L’équipe entourant les 1ères découvertes des neurones-miroirs leur distinguent deux types de fonctions : 

  • Observation et exécution d’une action ;
  • Compréhension et reconnaissance de l’intention derrière l’action.

Ces neurones réagissent extrêmement vite lors de la perception, c’est ce qui nous permet d’anticiper les actions de la personne en face de nous, en comprenant ce qu’elle a l’intention de faire. Les neurones-miroirs nous préparent donc à la fois à imiter le geste perçu, et à ressentir ce que l’autre personne ressent. Il s’agit d’une découverte fondamentale dans nos processus de communication, et surtout de transmission

L’action des neurones-miroirs est stimulée par notre entourage et notre environnement : les gestes, mais aussi les émotions, les visages, les images que l’on a sous les yeux, que ce soit un film, la télévision, des photos. Les études ont montré que si on est confronté à une image triste, on ressent de la tristesse. A contrario, si on est confronté au bonheur, on ressent du bonheur, etc. 

L’impact des neurones-miroirs sur notre cerveau et nos affects est donc considérable. C’est aussi pourquoi les scientifiques recommandent de ne pas exposer les enfants aux écrans avant l’âge de 3 ans : leur cerveau n’est pas encore assez développé pour faire face aux émotions véhiculées dans les images qui leur sont présentées ; de plus à ces âges, ils n’ont pas encore la volonté nécessaire pour s’en détacher – ce détachement est d’ailleurs parfois difficile même pour les adultes. 

Les neurones-miroirs s’activent aussi plus particulièrement lorsque l’on est en symbiose avec quelqu’un. Le bonheur d’être ensemble, l’affectivité partagée, la bonne entente, la compréhension et le respect mutuels, sont les bases de cette symbiose, et cela active une réaction biologique au niveau du cerveau. Selon l’intensité de la relation entre les sujets, cette réaction peut aller de la sympathie à l’empathie (on ressent la même chose qu’autrui, on s’identifie à lui dans ses affects). On appelle alors cela la « résonance empathique ». C’est ce qui rend les émotions « contagieuses », c’est-à-dire que l’on ressent véritablement ce que ressent l’autre. Ce qui peut être très utile pour stimuler les apprentissages …

En quoi cela influe-t-il sur les apprentissages ?

Le jeune enfant naît avec la soif d’apprendre et de découvrir le monde. C’est essentiel à son bon épanouissement, c’est pour lui un réel besoin. Les enfants apprennent beaucoup en vivant les choses avec les gens qu’ils aiment, simplement en les observant faire. Laissez-les entrer dans votre monde : invitez-les à cuisiner avec vous, à aider le voisin, faire les courses, aller au bureau de vote, à la cérémonie commémorative, planter le potager, aller visiter une mamie malade et alitée, etc. Ils apprendront la vie simplement en la vivant avec vous, et en vous regardant la vivre, et faire vos expériences. L’enfant apprend en imitant le comportement des adultes vivant autour de lui, il absorbe ce qu’il observe, on dit souvent qu’il est comme une éponge

Ainsi, le jeune enfant répète tout au long de ses journées les mots, les gestes qu’il a vus autour de lui, dans son entourage. Il recrée les situations avec ses jouets. Cette répétition des situations lui permet de les intégrer, d’apprendre comment cela se passe, et ainsi de mieux les maîtriser. 

Certains enfants, dans de bons contextes, arrivent à apprendre uniquement en observant les adultes qui les entourent : c’est-à-dire en utilisant leurs neurones-miroirs. En reproduisant ce qu’ils ont vu, en imitant les adultes, ils acquièrent de nouvelles compétences et, idéalement, les améliorent, puis les transmettent à leur tour à quelqu’un d’autre qui les observera.

Il est donc primordial de donner de bons exemples à nos tout-petits. Tous les enfants agissent par mimétisme, les parents sont de véritables modèles pour eux. Afin de ne pas nous fourvoyer et de mal orienter notre enfant, il est alors intéressant de se poser des questions : que souhaitons-nous réellement transmettre à nos enfants ? quelle image de l’adulte leur offrons-nous ? voulons-nous leur offrir de la tendresse ou bien leur apprendre la violence et la soumission ?

Le cerveau se développe durant toute l’enfance, jusque dans l’adolescence et même souvent jusqu’à l’âge adulte (environ 30 ans). Jusqu’à l’âge de 6 ans environ il est très immature, ce qui explique que de nombreuses pédagogies à travers le monde préconisent de ne pas proposer d’autre apprentissage que le « vivre ensemble » avant l’âge de 8 à 10 ans, selon les modèles proposés : un apprentissage donc uniquement basé sur l’action et les impacts des neurones-miroirs. 

 

Déficiences des neurones-miroirs

Le système des neurones-miroirs peut, chez certains individus, être déficient. Les chercheurs pensent que cela pourrait être une des causes de l’autisme – qui est une pathologie du lien social. Pour le moment, les études ont montré que plus un sujet est autiste, moins il a de réponse miroir, sans que les chercheurs sachent encore si c’est la cause ou la conséquence de l’autisme.

 

 

Voir l’article Les mécanismes cérébraux favorisant les apprentissages

Anne-Catherine Proutière, fondatrice du blog « Pédagogies alternatives en liberté », pour Pass éducation