La pédagogie Decroly : l’enfant perçoit le monde comme un tout

Jean-Ovide Decroly est né en 1871 à Renaix, en Belgique, dans un milieu bourgeois. Ses parents se focalisent sur sa réussite scolaire, lui imposant une formation gréco-latine en internat. Cependant, le jeune Ovide, enfant désigné comme turbulent, se passionne plutôt pour les arts comme le dessin et la musique, et, surtout, pour les sciences naturelles. Il choisira par la suite de faire des études de médecine et deviendra pédagogue, psychologue et professeur de psychologie de l’enfant. C’est un médecin-éducateur à l’origine d’une pédagogie dont les idées phares reposent sur les centres d’intérêt de l’enfant, l’observation et la globalisation. En 1898, il revient en Belgique et s’installe à Bruxelles où il poursuit des recherches sur les maladies mentales et sur l’anatomie pathologique du cerveau. En cette fin de XIXe siècle, la population des villes vit dans une grande misère et le bien-être des enfants n’est pas un souci prioritaire. Les enfants différents, ayant des handicaps ou déficiences sont voués à l’échec et Decroly ne peut s’y résoudre. Il considère que l’école traditionnelle n’est pas adaptée pour eux. En 1901, il fonde alors « l’Institut d’Enseignement Spécial – Laboratoire psychologique du Dr Decroly ». Ce laboratoire se transforme rapidement en école-laboratoire où les enfants différents vivent une vie normale, dans un milieu naturel où ils peuvent bénéficier de soins adaptés à leur état. Ils y reçoivent une éducation la plus large possible, dans le respect de leurs rythmes.

En 1907, le Dr Decroly ouvre une seconde école destinée aux enfants dits « normaux » : l’école de l’Ermitage. Au départ, seulement sept enfants la fréquentent. Cependant, les effectifs augmentent rapidement et, progressivement, l’école se constitue de six groupes couvrant tous les degrés de l’enseignement fondamental et secondaire.

La pédagogie d’Ovide Decroly repose sur quatre fondements :
• Les centres d’intérêts de l’enfant comme guide de l’éducation
• La globalisation
• La classe-laboratoire
• L’importance de l’environnement naturel qui met l’enfant en situation de découverte

 

Les centres d’intérêt de l’enfant

Le Dr Decroly part du principe que pour stimuler l’intelligence d’un enfant, il faut s’adresser à son affectivité et susciter sa curiosité. Les centres d’intérêt créent des liens entre toutes les matières abordées. En mettant les intérêts au cœur des apprentissages, on respecte les motivations de l’élève et on lui offre la possibilité d’intégrer des connaissances et des savoirs.

 

La globalisation

Le jeune enfant apprend et accumule les expériences sans ordre : il saisit d’abord globalement les choses et les êtres dans leurs relations entre eux et par rapport à lui-même. Il perçoit le monde comme une globalité. Selon Decroly, c’est cette démarche qu’il convient d’adopter à l’école : partir d’un composé concret et réel pour passer, plus tard, aux détails abstraits. C’est de cette prescription que vient d’ailleurs la méthode d’apprentissage de la lecture que l’on appelle « méthode globale ».

 

La classe laboratoire

Chez Decroly, la classe devient un atelier où l’enfant agit et vit. Les apprentissages sont partout : à la cuisine, au jardin, au musée, etc. La pédagogie decrolyenne est une pédagogie qui multiplie les lieux d’instruction. Le travail libre, l’expérimentation, le droit à l’erreur et le jeu y ont une place de choix. L’enfant apprend lorsqu’il est en action !

 

L’environnement naturel

L’ouverture sur la nature est un élément fondamental de la pédagogie d’Ovide Decroly. C’est, en effet, dans la nature que l’enfant rencontre le matériel capable d’éveiller et de stimuler toutes ses potentialités. Il y découvre une mine inépuisable de sujets susceptibles de le faire réfléchir, parler ou écrire. La nature met l’enfant en situation de découverte constante.

 

Une école par la vie

Chez Decroly, il n’est pas question de matières, d’horaires, d’échéances, de manuels scolaires ou du programme classique. L’organisation scolaire est fondée sur les projets et les plans de travail. Les élèves choisissent librement les sujets d’étude. Chacun peut proposer ceux qu’il souhaite traiter et les propositions sont ensuite discutées par le groupe entier. Un plan de travail collectif est alors mis en place, sur une durée plus ou moins longue, en fonction de l’âge des enfants notamment.

N’importe quel thème présente des aspects scientifiques, économiques, géographiques, historiques, littéraires qui demandent de travailler des notions spécifiques. La liberté de choix permet, selon Decroly, de stimuler le travail scolaire. Même lorsque les apprentissages sont difficiles, ils ont du sens car ils sont utilisés immédiatement et concrètement. En allant, à son rythme, au bout du sujet qu’il a envie d’étudier, l’enfant engrange des connaissances et se constitue une boîte à outils dans laquelle il pourra puiser de quoi traiter de nouvelles questions. Il développera également sa confiance en lui grâce au travail personnel fourni et aux recherches qu’il aura effectuées.

En somme, la pédagogie Decroly met l’enfant au cœur des apprentissages. Tout part de lui et de ses intérêts, afin qu’il puisse développer toutes ses potentialités. L’adulte instructeur a une place d’accompagnant, de guide. Cette pédagogie est loin de l’école traditionnelle d’alors, où l’enseignant est celui qui inculque le savoir à l’élève.

Ovide Decroly décèdera en 1932, mais sa pédagogie lui survivra. En Europe, mais également en Turquie, en Bolivie ou encore au Chili, des écoles sont créées et des écoles publiques s’inspirent des travaux du Dr Decroly. Aujourd’hui, en France, il n’existe qu’un seul établissement à proposer un enseignement selon la pédagogie Decroly.

 

Maud Alves Ferreira, fondatrice de maman-mammouth.com, pour Pass Education