La pédagogie Steiner Waldorf pour tous les âges, Madeleine Mazzetti | Résumé de conférence (partie 3/3)

Suite à la présentation de La pédagogie Steiner Waldorf pour tous les âges de Madeleine Mazzetti (partie 1/3) et Marie-Anne Steiner (partie 2/3) :

Questions et réactions du public :

 

« Vous avez parlé de la scolarité qui permet à l’enfant de travailler sa confiance. Moi je dois dire que mon fils, qui a fait toute sa scolarité depuis le jardin d’enfants jusqu’au bac, m’a permis de travailler ma confiance à moi. Ce que je veux dire par là c’est qu’il est arrivé, il y a cinq ans, en classe de première. J’étais très inquiet pour l’après, pour ces études. Ils étaient neuf. Six en classe qui préparaient le bac S et trois le bac littéraire. Il a eu son bac parce que l’école n’allait pas jusqu’en terminale à l’époque, maintenant elle le fait (c’est l’école Verrière à Paris) et il se trouve qu’il a eu son bac, il a frôlé de quelques points la mention bien. Il a fait trois ans à l’école d’architecture de Versailles. Il prépare maintenant son master. L’école de Versailles étant une des meilleures d’archi en France, qu’il couple avec un autre master en école de commerce à l’ESSEC qui est la deuxième école après HEC. » 

Marie-Anne: 

Merci pour ce témoignage. C’est bien d’entendre des témoignages qui montrent en tout cas que nos écoles n’empêchent pas d’aller là où on doit aller. Mais nos écoles ne préparent pas forcément que des élèves qui veulent aller chercher des bacs ou des licences ou des grandes écoles. On va aussi permettre à des enfants, puisqu’ils ont goûté à toutes les matières, si leur envie c’est d’aller dans un métier manuel, même s’ils sont très bons en maths (on ne va pas leur dire puisque tu es bon en maths, vas d’abord là et tu verras après). Si c’est vraiment son choix et que l’on voit que c’est fondé et que cela a du sens, on va travailler avec lui pour qu’il aille là où il va pouvoir mettre ses forces. On peut dire que quand les enfants veulent passer le bac, ils l’ont, souvent avec mention c’est vrai, mais tous les parcours sont possibles.

 

« Bonjour, vous avez évoqué le langage imagé et les concepts. Vous pouvez me donner des exemples précis, des phrases ou des situations, s’il vous plaît ? »

Madeleine : 

Par exemple, nous organisons un atelier aux Oliviers dont le but est de réaliser une petite fleur. Nous entourons une noix avec de la laine en disant par exemple « On habille la noix d’un petit manteau ». Cette formulation est précise et accompagnée d’une illustration concrète pour aider à comprendre le raisonnement.

Marie-Anne:

Par exemple, quand on rentre dans une classe, quand ils sont en première classe, au tout début en 6e – 7e, on travaille beaucoup avec la droite et la courbe. Au lieu de leur dire « mettez-vous en rang pour que je vous compte pour savoir si tout le monde est là », on peut juste leur dire « allez, on fait une jolie droite ». Et donc ça a du lien. Ce sont des images qui ont du sens par rapport à quelque chose qui est vivant et pas quelque chose qui est juste un concept à avoir compris pour pouvoir répondre. Donc chacun le prend plus à sa mesure.

 

 

« Bonjour, merci pour la présentation. Je m’excuse d’avance pour la question. J’ai un petit garçon qui va rentrer à l’école l’année prochaine et je suis très intéressé par la pédagogie alternative et les écoles alternatives. J’ai juste quelque chose qui me fait vraiment douter. C’est que forcément ces écoles ont un certain coût donc je me dis que ça empêche la mixité sociale. Je me demandais comment vous faisiez pour contrer ce manque de mixité au sein de vos écoles. »

Marie-Anne :

On est les premiers désolés de cet état de fait parce que ce n’est vraiment pas une vocation de nos écoles de faire du tri parmi les enfants qui arrivent. Pour le moment, on en est là. On est simplement obligés d’accueillir ça, que ces écoles peuvent exister parce que les parents qui la veulent ont la force de volonté de les construire. On espère que petit à petit avec le visage devant le monde, avec les enfants de demain, ça deviendra plus régulier. On a de plus en plus, dans les formations, des instituteurs qui travaillent dans des écoles classiques, qui viennent chercher ce regard sur l’enfant, qui viennent chercher des outils pour élargir leur propre regard et qu’ils ne font pas le choix d’aller dans une école Steiner. Ils restent à l’endroit où ils sont pour justement semer d’autre chose. Donc ça vient de cette façon-là. Sinon, on encourage les parents, quand on sent que ça reste trop fermé, de faire une activité extrascolaire où ils vont être dans un endroit plus mélangé, de le créer d’une autre façon. Mais c’est tout à fait injuste, ce n’est pas normal, on est OK avec ça. 

Madeleine :

Il faut savoir aussi que certaines écoles sont très très inquiètes de ce sujet-là. Mais que dans la réalité, il y a des enfants de tous les milieux et qu’il est possible aussi d’avoir un soutien entre parents pour permettre que tous les enfants qui ont besoin et qui ont envie de rentrer dans cette école viennent. Parce qu’il y a un grave problème dans ces écoles Steiner : c’est que les professeurs sont très mal payés, travaillent énormément, que les parents sont très soucieux et très demandés dans la participation de la marche de l’école. Ces écoles, c’est une aventure d’adultes et d’enfants. S’il n’y a pas d’adultes volontaires et qui donnent de leur temps, des possibilités financières, ça ne peut pas marcher. Actuellement les parents payent des impôts pour l’école publique… Voilà, on a tout ça, mais on fonctionne quand même. Elles existent bien, mais c’est difficile. 

Marie-Anne: 

On a quand même, même si on arrive, au niveau financier, à accueillir des familles qui sont un petit peu plus démunies et qui croiraient ne peut pas pouvoir avoir accès, on a quand même la non-mixité du fait qu’il y a des gens qui ne savent même pas qu’ils peuvent venir toquer à nos portes. Culturellement, elles ne sont pas encore devant le choix de tout le monde. C’est à ce niveau-là qu’on reste quand même dans un certain milieu. 

 

« Bonjour, je suis professeur d’anglais en collège classique et je fais partie des professeurs qui viennent piocher des idées dans les écoles alternatives. Donc je voudrais savoir comment vous abordez l’enseignement des langues. » 

Marie-Anne: 

Alors les langues sont abordées tout de suite à partir de la première classe, c’est à dire quand les enfants rentrent à l’école. On propose un panorama large de matières. Les langues vivantes, donc anglais-allemand de façon générale pour qu’il y ait un peu une cohérence quand il retrouve un collège, sont travaillés pendant les trois premières années dans l’oralité. Beaucoup de comptines, beaucoup de vocabulaire, de petits jeux, etc. Après neuf ans, quand ils ont commencé à vraiment appréhender la grammaire dans leur propre langue, il commence à y avoir de l’écrit, de la lecture, etc. Et ça continue après jusqu’au bac. 

Les professeurs qui sont dans les petites écoles en général ont aussi la continuité. Dans le niveau primaire, ils ont deux heures hebdomadaires de chaque langue. À partir de la 6e, ils fonctionnent par période, c’est-à-dire qu’au lieu qu’il y ait 2h-2h, ils ont quatre heures de la même langue. Donc des élèves font qu’allemand pendant trois semaines, pendant que les autres font, en demi-groupe, trois semaines de l’anglais et après cela s’interchange. Et en plus, nous avons de nombreux échanges, c’est-à-dire qu’en septième classe, donc ils ont 13 ans, ils vont aller passer trois semaines dans une école Steiner d’une autre langue, donc germanophone ou anglophones, cela peut être l’Australie ou l’Amérique suivant les partenariats. Et en dixième classe, quand ils ont donc 16 ans à peu près, ils vont faire carrément une immersion de trois mois dans le pays de leur choix, dans une école. Ils vont faire leur scolarité dans l’autre langue. Donc c’est pris très au sérieux cette question des langues.

Il y a aussi beaucoup de projets. Plus les enfants grandissent plus il y a des projets donc des voyages, des projets personnels. On a envie de créer un objet, on donne le temps pour ça. Cela s’appelle « projet art et technique ». Tout le monde sait qu’il doit faire son projet art et technique cette année-là et le rendre à cette échéance-là. Mais toute la liberté est donnée après pour faire ce qu’on a envie de faire. Donc voilà ce geste de liberté dont a besoin un enfant est vraiment entendu et accueilli.

 

 

« Bonjour, j’aimerais savoir quelle est l’attitude d’un enseignant d’une école Steiner par rapport, par exemple, les violences notamment entre enfants. S’il y a des punitions… »

Marie-Anne:

Alors on essaie de s’écarter de ces vieux schémas punition/récompense, c’est-à-dire que s’il n’y a pas de punition, il ne faut pas non plus qu’il y ait de récompense. Ça va ensemble. Donc de levier de conditionnel. On essaie de travailler par rapport aux sens et par rapport à la motivation. Si c’est, par exemple, un conflit de récréation, on va être là, essayer d’écouter l’un et l’autre, donc de faire de la médiation. Si jamais ça n’a pas pu se réguler, il y a des boîtes où les enfants peuvent mettre qu’ils ont quelque chose à régler. 

Pour les plus petits, l’adulte est là, mais pas pour régler intellectuellement, mais pour détourner l’attention. Si on voit quelque chose, il va prendre l’enfant et il va l’amener dans un autre coin. On va essayer d’observer et après on va voir s’il y a quelque chose à prendre. 

Il y a des enfants qui viennent dans nos jardins d’enfants sans avoir été là depuis le début, et même s’il y a depuis début ça ne veut pas dire qu’ils ont déjà tous les codes sociaux, donc il faut petit à petit que par l’imitation, par la tranquillité et quelquefois il faut oser, on est là pour vérifier, laisser aller le conflit un petit peu pour que ça se règle tout seul. Et quelquefois, on voit, soit c’est un troisième qui va venir. C’est une histoire souvent de jouet. Et souvent ça se résout. Il faut un peu oser laisser aller un petit peu plus loin pour qu’ils aient le temps de trouver une solution eux-mêmes et si on voit que là ça devient plus dur, s’il y en a un qui commence à avoir un geste alors on va intervenir. 

Madeleine :

Ce qui se passe aussi c’est qu’il faut savoir que les tout petits ils sont souvent maladroits, ils ne connaissent pas la relation à l’autre. Donc, ils vont prendre l’appel de l’autre enfant en le bousculant, le faisant tomber par terre. Il y a des situations qui sont difficiles pour l’enfant. Et, à ce moment-là, l’enfant qui est par terre va pleurer, mais celui qui a pris l’appel va pleurer aussi. Donc il faut tenir compte qu’il faut rassurer les deux enfants. Il n’y en a pas un qui est méchant par rapport à l’autre. Il a été maladroit. C’est en prenant les deux enfants avec soi que l’on peut apaiser le conflit, parce qu’ils sont concernés tous les deux. Moi j’aime beaucoup ce travail-là, de cette façon, parce que celui qui a fait mal il est très très triste. Il ne faut pas le gronder. 

 

 

« Bonjour, moi je voulais savoir quelles étaient les spécificités de la pédagogie Steiner par rapport aux pédagogies par exemple Freinet et Montessori. Moi, je vois beaucoup de ressemblances et j’ai du mal à voir les différences. »

Marie-Anne: 

Il y a beaucoup de ressemblances, c’est OK, surtout quand l’enfant est mis au milieu et que c’est le respect de l’être humain. Peut-être que la différence est qu’on va moins axer sur des résultats, sur de l’efficacité. On va essayer de surtout faire en sorte que ce soit la matière qui soit au service de l’enfant et pas l’enfant au service de la matière. Donc on va individualiser aussi beaucoup et, si l’enfant fait des petits pas sur son chemin, on ne va pas lui dire « Ah c’est dommage, on aimerait que tu en fasses des grands ». On va accueillir ces petits pas et un enfant, qui est par exemple à un moment donné triste parce qu’il ne sait pas lire, parce que les autres savent lire, on va lui dire « Eh bien moi, je vois que tu es triste parce que tu ne sais pas lire ou que peut-être cela t’inquiète un peu, en tout cas moi ça ne m’inquiète pas du tout. Tu sauras lire. » C’est notre tranquillité, c’est lâcher les peurs. Quelle importance de savoir lire à 7 ans, 9 ans ou 12 ans, si on sait lire au moment où on en a besoin. Il faut qu’on lâche toutes ces pressions, même celles du socle commun de connaissances, parce qu’il n’y a pas de peur à avoir, ils ont le socle commun de connaissances quand on les laisse tranquilles dans leurs apprentissages.

Et une des différences aussi, c’est justement ce panel de matières. C’est-à-dire qu’on fait énormément de choses à l’école. On fait le tricot, les travaux manuels, les cours de bois, les cours de rythme, les cours de dessin de formes dans toutes les matières académiques. Et on les fait un petit peu différemment comme disait Madeleine au début. C’est à dire tout est ramené vers l’être humain. On prend le monde extérieur pour comprendre ce monde intérieur. Le but n’est pas de connaître le monde extérieur. On fait partie du monde. On fait partie de ce tout. En fait, c’est se connaître soi. Donc on a aussi cette dimension du tout qui est vraiment très très importante.

Différencier dans un système de comparaison ce n’est jamais juste donc, en fait, il faut regarder. Et après, il y a surtout un geste qui va pour moi aujourd’hui, avec qui je suis, avec où j’habite, etc. C’est cette école qui me va et elle n’est pas moins bien ou mieux qu’une autre. Elle me va à moi, c’est tout. Et donc il faut être tranquille avec ça. On trouvera sur le chemin ce qui va pour nous. Et si on ne trouve pas, on déménagera et on trouvera un endroit où on est bien.

 

Une conférence de Madeleine Mazzetti et Marie-Anne Steiner :

 

Sylviana de Lamour en Vadrouille, pour Pass éducation