Lecture sur Situations, Jean-Paul Sartre, 1949 en 4ème.
En 1945, Jean-Paul Sartre, alors journaliste, est envoyé aux États-Unis et découvre New York. Dans cet article, paru en 1949, il donne sa vision et son expérience de la ville.
J’aime New York. J’ai appris à l’aimer. Je me suis habitué à ses ensembles massifs, à ses grandes perspectives. Mes regards ne s’attardent plus sur les façades, en quête d’une maison qui, par impossible, ne serait pas identique aux autres maisons. Ils filent tout de suite à l’horizon chercher les buildings perdus dans la brume, qui ne sont plus rien que des volumes, plus rien que l’encadrement austère du ciel. Quand on sait regarder les deux rangées d’immeubles qui, comme des falaises, bordent une grande artère, on est récompensé : leur mission s’achève là-bas, au bout de l’avenue, en de simples lignes harmonieuses, un lambeau de ciel flotte entre elles.
New York ne se révèle qu’à une certaine hauteur, à une certaine distance, à une certaine vitesse : ce ne sont ni la hauteur, ni la distance, ni la vitesse du piéton. Cette ville ressemble étonnamment aux grandes plaines andalouses : monotone quand on la parcourt à pied, superbe et changeante quand on la traverse en voiture.
J’ai appris à aimer son ciel. Dans les villes d’Europe, où les toits sont bas, le ciel rampe au ras du sol et semble apprivoisé. Le ciel de New York est beau parce que les gratte-ciels le repoussent très loin au-dessus de nos têtes. Solitaire et pur comme une bête sauvage, il monte la garde et veille sur la cité. Et ce n’est pas seulement une protection locale : on sent qu’il s’étale au loin sur toute l’Amérique ; c’est le ciel du monde entier.
J’ai appris à aimer les avenues de Manhattan. Ce ne sont pas de graves petites promenades encloses entre des maisons : ce sont des routes nationales. Dès que vous mettez le pied sur l’une d’elles, vous comprenez qu’il faut qu’elle file jusqu’à Boston ou Chicago. Elle s’évanouit hors de la ville et l’œil peut presque la suivre dans la campagne. Un ciel sauvage au- dessus de grands rails parallèles : voilà ce qu’est New York, avant tout. Au cœur de la cité, vous êtes au cœur de la nature.
Il m’a fallu que je m’y habitue, mais, à présent que c’est chose faite, nulle part je ne me sens plus libre qu’au sein des foules new-yorkaises. Cette ville légère, éphémère, qui semble chaque matin, chaque soir, sous les rayons lumineux du soleil, la simple juxtaposition de parallélépipèdes rectangles, jamais n’opprime ni ne déprime. Ici, l’on peut connaître l’angoisse de la solitude, non celle de l’écrasement.
Compréhension du texte :
❶ Que ressent Sartre à propos de New York au début, et comment ce sentiment évolue-t-il ?
❷ Quelle est l’importance du ciel dans la perception que Sartre a de la ville ? Relevez une phrase qui illustre son point de vue.
❸ Pourquoi Sartre compare-t-il les avenues de Manhattan à des « routes nationales » ? Que cherche-t-il à dire sur la ville ?
La ville comme lieu de grandeur et de liberté :
❹ Quelle image Sartre donne-t-il de New York dans cette phrase : « ce ne sont plus que des volumes, plus rien que l’encadrement austère du ciel » ? Quelle impression cela crée-t-il ?
❺ Comment Sartre distingue-t-il New York des villes européennes ? Relevez un passage qui exprime cette différence.
❻ Quelle est la signification de l’expression : « Au cœur de la cité, vous êtes au cœur de la nature » ? Que révèle-t-elle sur la manière dont Sartre perçoit le lien entre ville et nature à New-York ?
❼ En quoi le dernier paragraphe montre-t-il que la ville de New York est un espace de liberté ? Justifiez avec un exemple précis.
La ville dans le regard du voyageur :
❽ Pourquoi Sartre dit-il qu’il a « appris à aimer » New York ? Que cela suggère-t-il sur la relation entre l’homme et la ville ?
❾ Quelle est la fonction de la comparaison avec les plaines andalouses dans le deuxième paragraphe ? Quel effet produit-elle ?
❿ Relevez une phrase qui montre que New York, malgré son immensité, ne provoque pas un sentiment d’écrasement. En quoi cela contraste-t-il avec d’autres villes modernes ?
Pour débattre :
A – Sartre insiste sur le fait que New York n’est belle qu’à une certaine hauteur, distance et vitesse, et qu’elle ne se révèle pas au piéton.
Peut-on dire qu’il existe plusieurs manières de « voir » une ville ? L’expérience d’un lieu dépend-elle du regard qu’on y pose, ou du mode de déplacement (voiture, marche, train) ? Une ville peut-elle sembler monotone pour certains et superbe pour d’autres ? Les nouvelles technologies qui permettent de voir les villes sous différents angles changent-elles nos regards sur les villes que nous connaissons ? Expliquez.
Littérature Situations, Jean-Paul Sartre, 1949 – 4ème pdf
Littérature Situations, Jean-Paul Sartre, 1949 – 4ème rtf
Questionnaire Situations, Jean-Paul Sartre, 1949 – 4ème pdf
Questionnaire Situations, Jean-Paul Sartre, 1949 – 4ème rtf
Correction Questionnaire Questionnaire Situations, Jean-Paul Sartre, 1949 – 4ème pdf
Correction Questionnaire Questionnaire Situations, Jean-Paul Sartre, 1949 – 4ème rtf