Lecture sur Noir et blanc, Orhan Pamuk, 2003 en 4ème.
J’ai vécu l’Istanbul de mon enfance comme un lieu en deux teintes, à moitié obscur, couleur de plomb, dans le style des photographies en noir et blanc ; c’est ainsi qu’il m’en souvient. Bien que j’aie grandi dans la semi-obscurité d’une maison-musée à l’ambiance pesante, je lui dois sans doute une part de ma passion pour les espaces intérieurs. L’extérieur, les rues, les avenues, les quartiers éloignés m’ont toujours fait l’impression d’être des lieux dangereux, comme sortis de films de gangsters en noir et banc. J’ai toujours préféré l’hiver à l’été à Istanbul. J’aime contempler les crépuscules précoces, les arbres dénudés qui tremblent dans le poyraz1 et, au cours des jours de transition de l’automne à l’hiver, les gens qui rentrent chez eux à pas empressés, par les rues à demi obscures, vêtus de leur manteau noir et de leur veste. Et les murs des anciens immeubles et des konak2 en bois effondrés, qui prennent une teinte propre à Istanbul, fruit de l’absence d’entretien et de peinture, éveillent en moi une agréable tristesse et le plaisir de la contemplation. En hiver, dans la pénombre du soir précoce, les teintes noir et blanc des gens qui rentrent chez eux à pas précipités me procurent le sentiment que j’appartiens à cette ville et que je partage quelque chose avec eux. Et j’ai l’impression que l’obscurité de la nuit va recouvrir le dénuement de la vie, des rues et des objets et que, en inspirant et expirant à l’intérieur des maisons, dans les chambres et sur les lits, nous allons tous nous retrouver confrontés aux rêves et aux illusions issus de l’ancienne richesse d’Istanbul désormais bien lointaine, et de ses bâtisses et légendes perdues. Et j’aime aussi les ténèbres des froides soirées d’hiver qui descendent à la façon d’un poème ; malgré les lampadaires falots3, sur les faubourgs déserts, parce que nous sommes loin des regards étrangers, occidentaux, et parce qu’elles recouvrent le dénuement de la ville dont nous avons honte et que nous voulons cacher.
Compréhension du texte :
❶ Quelle impression générale Orhan Pamuk donne-t-il d’Istanbul dans cet extrait ?
❷ Pourquoi l’auteur préfère-t-il l’hiver à l’été à Istanbul ?
❸ Quelle est l’importance des maisons en bois et des immeubles dans la mémoire de l’auteur ?
La ville entre réalité et souvenir :
❹ Quelle émotion principale se dégage de cette description d’Istanbul ? Citez un passage qui l’illustre.
❺ Comment l’auteur arrive-t-il à rendre belle et poétique une ville qui semble pourtant vieille et abîmée ?
❻ Quelle est la fonction du noir et blanc dans la vision qu’a l’auteur de la ville ? Pourquoi insiste-t-il sur cette tonalité ?
❼ Quelle est la figure de style présente dans l’expression : « les ténèbres des froides soirées d’hiver qui descendent à la façon d’un poème ». Que suggère-t-elle sur l’ambiance d’Istanbul ?
Texte et image : regards croisés :
❽ Observez l’image jointe d’Ara Güler : relevez deux éléments précis présents à la fois dans la photo et évoqués dans le texte.
❾ En quoi cette image renforce-t-elle l’atmosphère de mélancolie et de nostalgie décrite par Orhan Pamuk dans le texte ?
Pour débattre – Lanceur d’écriture :
❿ Pensez-vous qu’un lieu ordinaire, usé par le temps ou même abîmé, peut malgré tout provoquer de l’émotion ou être perçu comme beau ? Selon vous, qu’est-ce qui fait qu’un lieu triste ou dégradé peut parfois toucher ou inspirer ? Racontez une situation où vous avez trouvé de la beauté dans un endroit que d’autres trouveraient banal ou laid, ou imaginez une telle scène.
Littérature Noir et blanc, Orhan Pamuk – 4ème pdf
Littérature Noir et blanc, Orhan Pamuk – 4ème rtf
Questionnaire Noir et blanc, Orhan Pamuk – 4ème pdf
Questionnaire Noir et blanc, Orhan Pamuk – 4ème rtf
Correction Questionnaire Noir et blanc, Orhan Pamuk – 4ème pdf
Correction Questionnaire Noir et blanc, Orhan Pamuk – 4ème rtf